Les Liaisons Dangereuses:
Portrait d'une époque, d'une aristocratie.
Cette société entièrement vouée à ses seuls plaisirs, consacre toute son énergie, avec une intelligence qui n'a d'égal que son cynisme, aux intrigues amoureuses dépourvues de tout sentiment, afin de satisfaire ses caprices ou de venger ses rancoeurs avec froideur, sans scrupule ni état d'âme.
Erigé en science, cet art de nuire pour s'en divertir, est dans cette oeuvre porté à son paroxysme, jusqu'à atteindre les vertiges suicidaires de l'auto-destruction.
Choderlos de Laclos (militaire de carrière) conçoit, tel un stratège professionnel, ces intrigues impitoyables où toute faiblesse est fatale.
L'écriture, tout comme l'art de vivre, en cette deuxième moitié du dix-huitième siècle symbolisent une sorte d'apogée:
Extrême raffinement du goût, limpidité de la langue, en font une époque d'une élégance jamais démentie jusqu'à nos jours.
John Malkovich en a décidé autrement.
Qu'il ait pris le parti de faire jouer de jeunes acteurs est une initiative louable et généreuse.
Qu'il imagine cette correspondance échangée sur smartphone, soit.
Que Valmont troque la culotte à la française pour un jean, pourquoi pas.
Mais impossible de regarder une Merteuil aussi ordinaire, chair flasque et débordante et à la diction très approximative.
Impossible aussi de voir Madame de Tourvel ressembler à ce point à Sylvia Monfort, l'embonpoint et la mèche folle peroxydée, en prime.
Déplaisante la scène de la lettre écrite sur la partie la plus charnue de la courtisane, avec cette comédienne qui dévoile entièrement un corps si disgracieux, affublé d'un immonde déshabillé.
Seul Yannik Landrein campe un Valmont défendable, avec sa silhouette nerveuse et fine il a bien la légèreté perverse du personnage, la morgue en plus, il eût été parfait.
Joyeux et dynamique, Lazare Herson Macarel, campe un valet opportuniste et efficace.
Et si les décors de Pierre-François Limbosch n'ont rien d'exceptionnel, comment Mina Ly a-t-elle pu imaginer d'aussi hideux costumes, avec ces robes à panier à moitié recouvert, ces jupes coupées à mi_hauteur, ces corsets voilés d'un côté seulement.
C'est tout l'esprit du dix-huitième siècle qui est ainsi trahi.
A croire que John Malkovich veut tout en ignorer.
Il ne me reste plus qu'à gémir comme Madame Du Deffand:
"Le goût est perdu!"