Ils, ces hommes, sont la lie de l'humanité: bourreaux professionnels, leur vies passées à tuer sommairement, exécuter à la chaine, massacrer sans aucun états d'âme des milliers d'innocents.
Au seuil de la mort, seuls, bannis, ils s'interrogent à leur tour.
Elle, résidu de femme, survit en dépouillant les cadavres pour revendre les vêtements qu'elle leur a dérobés.
Difficile de vous rendre compte de la noirceur du récit, de l'horreur de ses descriptions d'assassinats de masse, marque indélébile du siècle écoulé.
Anéantissant, penserez-vous forcement.
Certes, anéantissant, mais avec tant d'insistance, tant de répétitivité voulue, que les conséquences sur le spectateur en sont surprenantes!
Subitement envahie par une douce et délicieuse torpeur, je me suis surprise, plus d'une fois, à somnoler bercée par ce texte terrifiant.
Tout le contraire du réveil de nos consciences insensibles au mal qui détruit impunément.
Là où Becket parvient à nous faire rire dans les situations les plus désespérées de notre condition humaine, Bond , plus politique et moins métaphysique, ennuie trop souvent, malgré de très beaux passages ponctuant la pièce. Je pense plus particulièrement au texte de la femme, Dominique Valadié, qui domine assurément cette distribution,comme un vague reflet d'humanité planant encore en ce bas monde.
La diction aléatoire d'Alain Rimoux nous prive trop souvent de son récit, Aurélien Recoing affronte courageusement sa très, trop, difficile partition d'agonie sans fin, et Pierre-Félix Gravière moins convaincant encore.
Difficile de faire la part de la responsabilité d'Alain Françon dans la direction imprimée au jeu des comédiens, mais moins d'outrance eût sans doute donner davantage de force à cette pièce sans espoir aucun.
"Le monde entier est le fond d'une tombe".
La phrase de Bond est sublime.
Ce n'est pas le cas de cette représentation.