Nous sommes dans la maison de Petropolis où les Zweig achèvent leur installation après s'être exilés successivement à Londres et à New-York.
Le grand écrivain, la soixantaine, achève de ranger sa bibliothèque.
Il s'inquiète de ne pas retrouver l'exemplaire d'une de ses oeuvres: prétexte à une émouvante évocation de ses amis (Joseph Roth, Sigmund Freud ....), tous grands esprits de cette époque, tous dispersés, tous persécutés, certains déjà morts, victimes du nazisme sans distinction.
A l'opposé sa jeune femme, considère elle, cette installation comme le début d'une vie nouvelle, d'un avenir heureux: jeune épousée, elle savoure enfin son bonheur conquis face à son ancienne rivale, la première femme de l'écrivain avec qui il a partagé trente ans de vie commune.
La pièce se poursuit par une succession de tableaux qui nous font assister au désespoir grandissant du célèbre écrivain viennois face à l'optimisme progressivement anéanti de sa jeune femme.
Zweig est hanté par les fantômes des êtres disparus, rongé par la culpabilité d'être toujours en vie, accablé par l'avancé des troupes nazis que rien ne peut arrêter.
Avec son ami Ernst Feder il évoque d'abord l'idée d'écrire "pour témoigner de ce que nous avons été et de ce que nous avons fait", avant d'envisager comme d'autres écrivains, le suicide: "le véronal devient notre spécialité, après tout la carpe farcie a fait son temps" ainsi que le constate placidement Ernst.
Lotte, elle, use de tous ses arguments pour tenter, en vain, de lui redonner goût à la vie:
"est-ce que je ne suis pas aussi une raison d'exister?" l'interroge-t-elle.
Mais la peste brune qui s'abat sur l'Europe, n'épargne pas pour autant les proies hors d'atteinte.
La destruction morale conduit aussi à l'anéantissement physique.
Le drame de ce couple célèbre est l'illustration de le tragédie de tout un peuple.
Si poignantes les scènes du début: le déchirement, l'angoisse, le désespoir de Sweig si palpables.
Et l'enthousiasme de la jeune femme, si naturel, ses aspirations au bonheur, si compréhensibles.
L'émotion la plus intense devrait s'imposer au public.
La scène finale en constituer le point culminant.
C'est à l'inverse que nous assistons hélas.
Elsa Zilberstein a la grâce de la jeunesse et son appétit,mais Patrick Timsit ne parvient pas à faire transparaitre les affres auquel son personnage est confronté avant d'être englouti à son tour.
Ici vous ne risquez pas de quitter la salles les yeux rougis.
Incompréhensible de rester à ce point indifférent face à pareil destinée tragique.
Et au combien gênant de penser que cela s'apparente à un banal fait divers.