Cette saison, résonnant telle une consécration officielle, la nouvelle mise en scène de Guy Cassiers, à la Comédie Française, salle Richelieu, créait un évènement aiguisant toutes les curiosités.
Mission accomplie, voilà celle de Lulu satisfaite.
Après trois heures de représentation, sans parler de véritable déception, s’impose un constat plus que mitigé.
Dans une ville de province, Stépane Verkhovenski, un intellectuel, formidable et bouleversant Hervé Pierre, et sa mécène la riche aristocrate Varvara Stravroguina, impériale Dominique Blanc toujours parfaite, incarnent les anciens.
Lui découvrira avec horreur la détermination criminelle de son fils Piotr, Jérémy Lopez, dans le mouvement nihiliste:
«Un homme sans foi ni racine ne peut aimer personne» s’indigne le père.
Elle, a un fils, pervers et séducteur, Nicolaï, Christophe Montenez, sous Francis Huster, sous Gérard Philippe.
Cynique au dernier degré, sans état d’âme, son pouvoir de séduction s’exercera sur chacun, n’épargnant ni la pupille de Varvara Stravroguina, et moins encore Piotr, qui veut en faire le chef de sa cellule révolutionnaire.
Il est mystérieusement marié à une femme à moitié folle et mystique, Maria Timoféievna, Suliane Brahim dans l’excès le plus insupportable.
Pour veiller sur elle, un ancien serf, Chatov, Stéphane Varupenne, diction gravement défaillante, une âme pure, sincèrement engagé, sera l’innocente victime du plan démoniaque ourdi par Piotr afin de «souder» dans le crime tous les membres de sa cellule révolutionnaire nihiliste.
Slogans glaçants assénés par Piotr, apologie de la culture comme valeur suprême défendue par le vieux Verkhovenski, évoquent et résument parfaitement des enjeux toujours d’actualité.
D’imposants et riches décors recréent l’atmosphère des salons aristocratiques. Modulées avec un soin maniaque les lumières de Fabiana Piccioli, baignent la scène d‘éclairages crépusculaires.
D’une importance capitale, trois écrans surplombent la scène
Leur utilisation relève de la plus haute sophistication. Ils permettent de réunir par l’image les comédiens qui échangent leurs dialogues en se tournant le dos sur scène. Descendus des cintres, basculés, à l’horizontal l’un devient table de réunion, les trois penchés en diagonale, une serre.
Les projections en fond de scène sont légions, les images succèdent au décor.
Au dénouement les visages géants de Piotr et Nikolaï se heurtent dans un choc final qui se veut apocalyptique.
Le roman de Dostoïevski décrit une Russie secouée de convulsions, dans laquelle tout s’oppose, se contredit, se déchire, s’anéantit. Le mouvement nihiliste y occupe une place déterminante.
Les anciens et leurs descendant se confrontent dans des convictions antagonistes.
Un monde sur le déclin voit naître un monde nouveau, velléitaire, violent, matérialiste, étranger à toute spiritualité, prêt aux pires procédés pour parvenir à ses fins: créer une Nouvelle Russie.
«La Russie actuelle n’a pas d’avenir» affirme l’un des protagonistes.
Autant d’actions entreprises en vain. Les idéaux seront anéantis, aucun progrès accompli, et le crime restera impuni.
Forcement bavard, souvent trop didactique, la pièce illustre toute la difficulté d‘adapter le roman.
Pâtissant d’ une distribution majoritairement décevante où seuls convainquent Dominique Blanc et Hervé Pierre,
Dominée par l’omniprésence des images et vidéos au détriment du texte,
La soirée s’avère pour le moins décevante.
La distraction de l’oeuil ne suffit pas à captiver l’attention, moins encore à émouvoir.
Démonstration de l’inutilité d’une débauche de moyens ruineux, superflus, redondants.