Après l’accablant « Tartuffe » vu la veille,
Ce spectacle ranime le spectateur encore accablé.
Pour Mémoire, l’Oulipo signifie Ouvroir de Littérature Potentielle.
Raymond Queneau en est un des fondateurs, Georges Perec un maître éminent.
Facétieux, enjoués, pétillant d’esprit, débordant de fantaisie,
Sagement assis chacun sur une chaise devant une petite table, encadrant en carré la cinquième du milieu destinée à leur invitée du soir,
Quatre membres de l’ « Ouvroir », Marcel Benamou, Paul Fournel, Hervé Le Tellier, Olivier Salon, accompagnés d’une jeune oulipienne, Clémentine Melois, vont une heure durant,
Se livrer, à tour de rôle, à de bien divertissants exercices, véritables acrobaties verbales, laissant toute sa place à l’imaginaire le plus débridé, poétique, comique, loufoque et…SAVANT.
Annoncé par Paul Fournel, à la fois « secrétaire définitivement provisoire » et « secrétaire provisoirement définitif » du groupe,
La Gastronomie sera le thème de la soirée.
Suivra, en toute logique oulipienne, « La genèse du civet et de la terrine » racontée en termes fort chrétiens par Marcel Benamou, respectable « secrétaire à titre définitivement provisoire du groupe ».
Sportif confirmé, Olivier Salon nous régalera, si je puis dire, du récit de « désolantes contingences » rencontrées lors de l’ascension d’une semaine le long d’une haute paroi parfaitement lisse et verticale et des funestes débordements provoqués par l’absorption gloutonne de trois kilos de cerises une fois redescendu.
Artiste, il nous lira aussi quelque belles descriptions narratives de tableaux superposés d’un certain Philippe Mouchez, impérissable créateur injustement méconnu de « La Mort de la Vierge » du Caravage associé à« L’Asperge » de Manet, projection de la toile à l’appui, ou de « La Cène » de Philippe de Champaigne et de « La Seine à Bougival » de Sisley.
La jeune Clémentine Mélois collectionne les listes de courses.
Sur celles récoltées au « Netto » de Charleville-Mézières elle nous fait découvrir à l’aide de ses projection, différentes orthographes adoptées pour certains mots de base, arrivant à décompter jusqu’à treize versions de « yaourt »; ou encore plus surprenant, sur la même base, elle recrée non sans cocasserie, l’univers des anonymes auteurs de ces listes ramassées par terre.
Brefs récits, « Les Infusions » d’Hervé Le Tellier nous réservent d’horrifiantes fins à ses contes imaginés à partir de d’inoffensives et bienfaisantes tisanes.
Paul Fournel lit les textes de Jacques Roubaud nostalgique, déplorant « La décadence irrémédiable de la baguette » comme celle du croissant comparé à l’inconsistance d’un jeune homard.
Avant de nous quitter sur les « Chicago » et autres « devinettes » de leur invention adressées au public,
Utiles, simples, pratiques, les « Mille recettes pour préparer un chaton » viendront secourir la ménagère en panne d’inspiration culinaire.
« Placez le chaton dans l’autocuiseur et attendez le miaulement de la soupape » quoi de plus facile ?
Pareille « gastronomie » est délectation.
Fi de Fats, Infatués, prétentieux, sentencieux de toute espèce,
Vive les Oulipiens passés présents et futurs.
Ils sont le sel de l’esprit.
Régulièrement invités au Rond-Point,
Un rendez-vous à ne pas manquer la saison prochaine.