Pourquoi alors se cacher soudain, enfouir sa tête sous les coussins du canapé de ce salon chic (excellent décor à transformation de Camille Duchemin), se précipiter derrière le divan, sembler fuir un insupportable danger :
En bruit de fond nous parviennent les échos d’une violente dispute.
La scène qui vient de se dérouler n’était qu’un jeu d’enfant imaginé par Alice avec ses poupées Ken et Barbie.
Ces bruits de fond sont ceux d’une l’altercation entre ses parents.
Ils sont à bout. La discorde règne.
Elle, ne supporte plus d’être enfermée avec la petite, une enfant à problèmes atteinte de mutisme.
Lui, de se sacrifier pour le confort de sa famille dans un emploi qu’il méprise sans recevoir la moindre marque de reconnaissance.
Un prétexte futile a mis le feu aux poudres : une tranche d’excellent jambon mangée par l’épouse et convoitée par le mari provoque un cataclysme.
Cris et reproches fusent,
échanges de rancoeurs accumulées ,
la querelle enfle , les fureurs se déchaînent.
Paroxystique, le conflit donne lieu à un règlement de compte dévastateur touchant jusqu’aux plus intimes des confidences sexuelles, au griefs les plus blessants, aux reproches sans appel.
La soudaine disparition d’Alice renversera la situation.
Surprenant, inattendu, inespéré, les basculements surgissent.
Réfugiée chez sa tante, apaisée, l’enfant retrouve l’usage de la parole.
Choc salvateur, sincère, subit, amènent les parents à se ressaisir:
« Pour remonter il faudra fabriquer le contraire de nous, traverser le miroir ».
Auteur du présent, Leonor Confino ne manque ni d’adresse ni de pertinence pour évoquer les difficultés d’une vie de couple confronté aux difficultés de notre société, esclave des apparences, de la réussite financière, de désirs immédiatement satisfaits.
«Nous sommes une entreprise familiale, pas une famille » assène la mère.
Dans « Ring » sa première pièce montée dans ce même théâtre, elle évoquait non sans tendresse les aléas de la vie à deux.
Plus crue, plus agressive, l’écriture de ce nouvel opus cède parfois dans l’outrance. Facilité superflue que l’on regrette dans un texte rythmé, juste, portrait incisif de notre société.
Difficile de ne pas tomber sous le charme de la ravissante Elodie Navarre, toute en féminité, d’un naturel accompli, séduisante, agressive, perdue, aimante.
Moins convaincant, son partenaire Emmanuel Noblet à l’interprétation plus raide , au physique moins séduisant.
En parfait complice, Côme de Bellescize, le metteur en scène, imprime au spectacle la bonne impulsion.
Leonor Confino peut se réjouir.
Résultat probant,
Public est enthousiaste.