Je viens d'en vivre un autre non moins exceptionnel: assister à la première représentation de l'extraordinaire pièce de Eduardo de Filipo montée par Toni Servillo que connaissent bien les cinéphiles ( "La Gande Belleza, et "El Divo") .
Le cinéma n'est cependant "qu'accessoire" dans sa carrière.
L'essentiel de son talent immense, la majorité de son temps, il les consacre au théâtre, dirige une compagnie, est metteur en scène et acteur.
Trois activités réunies pour notre plus grand bonheur dans "Le Voci di dentro".
Aux cotés de son frère, entouré d'une troupe étourdissante, nous sommes emportés dans cet univers napolitain, coloré, truculent, de fantaisie, de basses contingences.
Loin des clichés convenus, le génie de l'auteur mêle à cette comédie très enlevée, d'un comique irrésistible, une part de mystère qui vient bouleverser la vie d'une famille "ordinaire", composée de caractères les plus fantasques.
L'irruption de leur voisins, deux frères vieux garçons misérables, provoquera les plus grands désordres dans cet univers original. Convaincue qu'un meurtre vient d'y être commis, notre fraterie n'aura de cesse d'en trouver les preuves, provocant l'arrestation de toute la famille, jusqu'au moment où l'aîné reconnait n'avoir fait qu'un rêve...
Dans la veine de "Homme, galant homme" , l'auteur nous amène à des situations où l'absurde se mêle au farcesque, où la frontière entre rêve et réalité se télescopent, ménageant les rebondissements les plus fous, révélant des comportements les plus surprenants chez chacun des protagonistes.
"L'incertitude qui vient des rêves" titre d'un livre de Roger Caillois, résume parfaitement cette intrigue.
Eduardo de Filippo, un Pirandello revisité à la sauce napolitaine par le plus truculent des auteurs italiens.
Interprété dans sa langue d'origine, joué par d'aussi fabuleux comédiens, dans une mise en scène qui s'appuie essentiellement sur les acteurs, dans un décor dépouillé, le texte de Eduardo de Pilippo atteint toute sa résonnance, comme jamais.
Du grand art, du très grand théâtre.