Enchanté, le public autorisé à monter sur scène, mitraille le décor à l’aide des portables.
Imaginez, Marie, statufiée dans sa vitrine de verre. Voile bleu, robe incarnat, branche de lys sur les genoux, rangées de lumignons de couleurs alignés devant elle, seules ses lèvres remuent. Elle psalmodie.
Au sol les instruments de la passion.
A cour un arbre suspendu.
A jardin, un vautour vivant sur son perchoir,
Au fond un autel couvert de lampes qui se consument.
Grandiose tableau : du plus pur sulpicien.
Le public ayant regagné ses places, et arrivés Philippe et Stéphanie Tesson derniers retardataires, Comme par magie, Marie sort de sa cage qui s’élève jusqu’aux cintres. Libérée de son voile, se déploie son opulente chevelure.
Majestueuse, souveraine, vautour au poing, elle quitte lentement la scène soudain plongée dans le noir quand s’abat un long voile.
Une fois la lumière revenue, une femme ordinaire fait place à l’effigie.
Prise au réveil, une fois dégagée d’un grand drap blanc qui l’enveloppe, (maillot de nouveau-né, camisole de fou ?) elle apparait, baba-cool vieillissante, visage blafard, lèvres minces, longs cheveux filasses, tee-shirt blanc, pantalon informe, chemise bleu passé, boots éculées.
Là débute son récit.
Jusqu’à la crucifixion de son fils, qui enfin dégage quelque force dramatique,
Volontairement rédigée avec platitude,
Interprétée au premier degré,
La relation des épisodes de la vie du Christ, pareils à de banales histoires, s’apparente aux caquetages sans intérêt d’un être frustre :
Une brave villageoise qui ne comprend pas l’engagement de son fils et de « sa bande de désaxés », regrette ses déplacements, déplore le gaspillage de ses qualités, s’exprime comme une commère.
Parti pris qui rend d’un ennui fatal l’essentiel du spectacle,
Volonté délibérée qui rend insipide jusqu’aux affres vécues par cette mère impuissante à sauver son enfant, jusqu’à l’histoire de ce personnage qui a « transformé » le monde.
Deborah Warner affirme vouloir faire résonner « La puissance de la parole donnée à cette femme »
Loin d’y parvenir, l’interminable texte de Colm Toibin, vide, indigent, ne suscite qu’indifférence (la barbarie de la crucifixion exceptée).
Albert Cohen, en quelques phrases truculentes, avait autrement su donner au « personnage » toute sa touchante proximité.
Après l’inoubliable « Maison de Poupée » quelques années plus tôt, les retrouvailles avec Dominique Blanc tant souhaitées depuis par la metteur en scène, ne laisseront qu’un pâle souvenir.
Celui d’un « Must » de la saison auquel il fallait « consacrer ».
Un rite sans chair ni âme.