Figés dans leur niche telles les statues ornementales, chacun des protagonistes apparait costumé par Christian Lacroix :
Elmire, coiffée d’une précieuse auréole, vêtue telle la Vierge de Macarena, croule sous la richesse de ses broderies et brocards or et lune ;
Orgon seul arbore le chic discret du bourgeois : sobre pourpoint et culotte de velours noir ;
Madame Pernelle, large fraise immaculée, semble échappée de « La Kermesse Héroïque » de Jacques Feyder ;
Dorine porte un éclatant costume à l’ample jupe rouge relevée en pouf et corselet chamarré de vives passementeries non sans rappeler la beauté des costumes folkloriques espagnols récemment exposés.
Costume de bal paré pour l’oncle bienveillant,
Ridicule succession de petits nœuds ciel à chaque croisillon de ses longues tresses pour Marianne,
Très « rocky-horror-show », un pantalon de cuir et une ample chemise habillent Damis.
Sur scène, visuellement, règnent sans partage kitsch et grotesque.
J’allais oublier la touche « Moulin Rouge » :
L’entrée de Valère tout d’azur vêtu, chevauchant en amazone sa monture de carton découpée en constitue la parfaite illustration. Un effet de chute qui se voudrait comique parfait la trouvaille du metteur en scène.
Toujours éblouis par cette pièce, illustration de la folle témérité de Molière bravant tous les interdits, s’exposant à tous les dangers dans sa dénonciation si profonde, percutante, ironique de l’hypocrisie,
« Comédie » aux accents tragiques, d’une justesse défiant le temps, d’un comique inaltérable, écrite, en alexandrins, dans une langue d’une pureté de cristal et d’une clarté éblouissante,
Nos tentatives de nous abstraire de ces visions aberrantes agrémentées de solennelles résonnances d’orgues,
Nos efforts de concentration sur le texte ont vite trouvé leur limite.
A l’exception de Christine Murillo campant une Dorine d’anthologie, jouant avec aplomb de sa corpulence, finaude dans son insolence, autoritaire dans sa clairvoyance, déterminée dans ses actions,
Le jeu des différents interprètes eurent bientôt raison de notre endurance.
Avec de faux accents de Tsilla Chelton, Juliette Carré en Madame Pernelle souffre d’une diction trop souvent approximative. Elle escamote ainsi des pans entiers des délires de ce personnage si irrésistiblement comique dans ses aveuglements.
Avec des accents gouailleurs appuyés rappelant ceux de Bernadette Lafont, la voix de Nicole Calfan, semble venue d’ailleurs et « dénote » pour le moins avec la rigidité royale de son somptueux costume.
Justine Bachelet fait de Marianne une sotte geignarde plus bécasse qu’émouvante.
Freluquet à la voix de fausset Aurélien Gabrielli nous interprète un Valère parfaitement ridicule : pesante affectation, fatuité artificielle anéantissent toute la fougue amoureuse du personnage.
Ainsi, plus rien ne subsiste de la délicieuse scène de la querelle. En dépit du jeu de Dorine, l’ardeur des sentiments balayée, nos amoureux enflammés deviennent de pitoyables benêts.
Alexandre Ruby, long échalas dégingandé, gestuelle outrée, rouge à lèvre bavant, transforme Damis en un Dracula de pacotille.
Que dire du style déclamatoire de Bruno Blairet, l’oncle protecteur ; du pitoyable Monsieur Loyal de Georges Becot dont la partition en or se mue en plomb.
En Orgon cette fois, Michel Bouquet, crâne rasé, barbe en collier.
Magnifique vraiment dans la scène du début avec Dorine :
« Le pauvre homme, le pauvre homme »,
Sous le poids des ans et de la fatigue palpables au cours de la représentation, en comédien chevronné tantôt tâtonne, tousse, s’exclame ou marque un temps d’arrêt afin de parer aux hésitations, aux quelques trous de mémoire.
L’énergie contenue lui fera encore défaut au moment de prononcer des répliques aussi célèbres que :
« Faire enrager le monde est ma plus grande joie »
Triste, pénible, regrettable.
Longue tresse de chinois au milieu du dos, face lunaire épilée passée au blanc de céruse,
Empêtré dans sa spectaculaire cape de soie pourpre cardinalice et luciférienne à la fois, manquant trébucher à plusieurs reprises,
Michel Fau, l’ancien élève de Michel Bouquet,
Réussit l’exploit insensé de nous rendre indifférent le personnage.
Elocution volontairement insipide plate et monocorde, présence inconsistante sur le plateau,
Jamais ne dévoilent l’aspect inquiétant du cagot,
Sa concupiscence moins vraisemblable encore,
L’atonie pratiquée au-delà du supportable
Excluent, autres caractéristiques essentielles du Tartuffe : simulation, bassesse, cupidité.
Michel Fau : piètre interprète,
Michel Fau metteur en scène calamiteux :
« Michel Fau ou l’Imposteur ».
Pauvre public.
Malheureux Molière.