Corruption,Avidité, luttes sanglantes, meurtres,
noblesse de sentiments et sincérité bafouée,
Crudité du verbe, envolées lyriques, refrains bouffons,
Le fracas shakespearien résonne haut et fort sur le plateau de la Madeleine.
Mise en scène et adaptation de jean-Luc Revol transposent le drame à la veille de la crise de vingt-neuf.
Illustration du grand capitaliste despotique, Lear, vieillissant et usé, partage son «empire » entre ses filles.
Cœur sec, aveuglé par les flatteries de ses aînées, despotique, il déshérite et chasse Cordelia, la plus jeune, indigné par la pureté de ses sentiments et une sincérité qu’elle refuse de renier.
Première manifestation de sa « folie » cette décision l’entrainera irrémédiablement à sa perte, victime des bassesses de ses filles, dépouillé, abandonné, pauvre hère misérable auquel il ne restera pour toute escorte que son bouffon.
Voyant en Lear un Nabab du cinéma, Jean-Luc Revol fait tournoyer sur le plateau de très beaux éléments de décor avec changement à vue signés Sophie Jacob, allant jusqu’à découvrir le « vrai » mur de fond du plateau, haut, rugueux, noirci par les ans. Spectaculaire.
Combats réglés comme à l’écran, projection en prologue d’un court film muet avec un Lear en toge commenté avec humour par le bouffon, utilisation de toile peinte, ou du ventilateur géant, les effets sont plutôt réussis.
Tonnant, grondant, rugissant, geignant, divaguant, grommelant, murmurant, Michel Aumont s’impose en grand comédien qui nous redonne ici toute la mesure de son talent « retrouvé ».
Entouré par une excellente distribution, chacun joue sa partition au niveau d’un grand ensemble symphonique.
Vipérines, Marianne Bassler (Goneril) et Anne Bouvier( Regane) forte présence Bruno Abraham-Kremer (Kent) le conseiller fidèle, touchant vieillard et Père abusé Jean-Paul Faré (Comte de Gloucester) perfide et séducteur Arnaud Denis( Edmond) et malgré mon faible pour Denis d’Arcangelo en Madame Raymonde, il campe joliment son rôle de Bouffon ; je ne peux les citer tous, le reste de la distribution est au diapason.
Dominique Bordet signe de bons costumes, cela ne surprendra personne.
Réservée avant la soirée, trois heures plus tard force est de saluer ce spectacle étonnement abouti pour sa première représentation.
En somme de la bel ouvrage.
Non sans rappeler « Les Damnés » de Visconti.