Grâce soit rendue à Georges Lavaudant.
A l’opposé des bouffonneries dominantes conduisant le plus souvent à la trahison de l’auteur,
Qualifiant ses pièces de «Théâtre Monde»,
Le metteur en scène déclare «Je m’intéresse davantage à la langue de Shakespeare, à son art du récit, à sa manière poétique».
Il nous en donne la parfaite illustration.
Mêlant les intrigues les plus diverses, dénudant noirceur des âmes et pureté des coeurs, viles trahisons et droitures inébranlables, soif de puissance et anéantissement,
L’affrontement opposant Lear à ses filles, Gloucester à ses fils,
Provoqueront le chaos,
Conduiront à la folie.
Jean-Pierre Vergier signe un décor dont la sobriété rythme parfaitement l’action.
Une unique ouverture en fond de plateau, , à cour et jardin des montant de marbre portant les éclairages et différents petits panneaux qui descendent des cintres pour situer l’action.
Citons encore les belles lumières de Cristobal Castillo Mora et Georges Lavaudant et le son de Jean Louis Imbert pour compléter ces heureux dispositifs.
Sur scène, si Laurent Papot, le bâtard Edmund, seul sur le plateau dans sa tirade de la trahison est admirable,
On peut regretter une distribution inégale, pas toujours au diapason des figures dominantes: Jacques Weber, François Marthouret, Babacar M’Baye Fall.
Qu’il rugisse tel un lion, qu’il redevienne un petit enfant vulnérable ou un être anéanti à la raison vacillante, Jacques Weber, Lear humain, sensible, profond, assume avec un naturel confondant les registres si contrastés du souverain déchu.
Du personnage émane une véritable présence charnelle. Son autorité impressionne, son impuissance apitoie, sa folie et son chagrin émeuvent.
Loin de démériter, François Marthouret fait vivre Gloucester avec une grande justesse. Ce père aimant, trahi par son bâtard Edmund, chassant injustement son fils légitime, nous fera partager ses souffrances, ses tourments, son désespoir, sa tardive prise de conscience et sa résignation. Sévère leçon de vie.
Quelle autorité ce Babacar M’Baye Fall. Il campe un Kent qui force l’admiration.
Courtisan fidèle il est, tout comme Cordelia l’incarnation de la franchise et de la droiture. Banni, sa fidélité au souverain lui feront accepter les pires conditions. Formidable comédien, Babacar M’Baye Fall, profère l’insulte avec faconde, frappe lestement du bâton, subit les châtiments sans gémir, sera le sauveur généreux d’un Lear abandonné dans les éléments déchaînés par ses filles vipérines.
Les tableaux s’enchaînent, les intrigues se développent, les haines se déchaînent, les souffrances s’expriment,
Les vers bruissent ou grondent,
De bruit et de fureur
Tout Shakespeare vit et résonne ici.
«Théâtre Monde», «Théâtre Universel».
Merci et bravo Georges Lavaudant.