Luc Bondy, le nouveau directeur de l'Odéon, ne laisse rien affleurer dans sa mise en scène de ce climat pinterien.
Les grands moyens ne lui ont pourtant pas fait défaut.
Le coût exorbitant de cette production a été souvent évoqué dans la presse.
Néanmoins, Le Retour était l'un des points forts de cette rentrée, avec Bruno Ganz, très grand acteur allemand dans le rôle du père, un évènement en soi.
Sur scène le décor monumental de Johannes Schütz, déborde au sol du plateau jusque dans la salle. La hauteur des cloisons, dessinant les pièces du rez de chaussée d'où monte un grand escalier qui suggère l'étage, atteint quasiment les cintres. L'intérieur évoque parfaitement la grande maison déglinguée d'un quartier populaire de Londres: sol écaillé jaune canari, murs gris sale, mobilier moderne pauvre et moche.
Une famille, exclusivement composée de mâles, s'affaire énergiquement au nettoyage des lieux quand débute l'action. Elle va nous dévoiler très vite son côté terrifiant.
Si tôt expédiée cette activité ordinaire, une violente dispute oppose le benjamin, Lenny, à Max, le père vieillissant.
Voilà amorcée la spirale infernale et le climat délétère qui règne au sein de la famille.
Les rares épisodes d'accalmie ne réservent que récits dévastateurs et tentatives de manipulations perverses.
Seul, passif au milieu de tous, Teddy, frère aîné de retour d'Amérique, se résigne à l'inacceptable: l'abandon par sa jeune femme, qui lui préfère ces hommes ignobles pour lesquels elle accepte aussi de se prostituer.
L'histoire fit scandale en son temps, je n'ai pas assisté à sa création.
Cette représentation hyper-réaliste nous donne à voir une famille qui allie violence animale, brutalité physique et grossièreté verbale, mais rien de dérangeant au sens pinterien du terme.
Bruno Ganz, trop souvent incompréhensible, se montre tour à tout brutal et manipulateur au premier degré comme tous, bien que tous soient justes.
Seul Micha Lescot imprime sa singularité étonnante à ce jeune frère, maquereau minable.
Ses scènes sont de loin les plus intéressantes.
Il faut voir ses enroulements, ses étirements, ses formes de reptation, sa façon de se mouvoir qui sont uniques et fascinent toujours. Ses manoeuvres d'approche et de séduction au tour de sa jeune belle soeur, en marcel blanc et culotte de pyjama, sont un grand moment.
Il est le réconfort de cette soirée qui se compare à un cadeau sans intérêt présenté dans un sublime emballage.
Sans remonter très loin, il suffit d'évoquer L'Amant avec Léa Drucker ou Le Gardien avec Robert Hirsh pour mesurer l'absence de l'auteur dans ce Retour.
Un robinet d'eau tiède, une pièce sociétale dépassée, un pétard mouillé.