Oppressant Huis Clos.
Un groupe d’amis se réunit pour fêter l’anniversaire de Sophie qui les reçoit avec son mari, Pierre..
Malgré les privations, le déjeuner promet d’être somptueux grâce à leur ami André.
Compromis avec les allemands, il ne connaît aucune des privations subies par ses compatriotes...Nourriture, vins, douceurs devenues introuvables, sont pour lui accessibles sans restrictions.
Dans la rue, un attentat contre deux officiers allemands va interrompre brutalement la joyeuse sauterie...
La politique des otages conduit à l’arrestation de deux occupants dans chacun des appartements de l’immeuble.
Faisant irruption, le Commandant reconnaît le libraire chez qui il a l’habitude de se fournir. Soucieux de préserver une forme de courtoisie, il délègue à son fournisseur, le temps du repas, la responsabilité de ce choix atroce.
La panique et la terreur ressenties par chacun des convives donnera lieu à toutes les tentatives les plus sordides
et opportunistes pour «sauver sa peau».
Les cinq hommes et les deux femmes en présence révéleront les drames et les engagements secrets, les sacrifices et les bassesses, les lâchetés et les sursauts de conscience de chacun, prêts à tout pour échapper à la mort.
Rivalisant d’«imagination» chacun s’efforcera de trouver «une solution» qui leur assurera la vie sauve.
Le collabo André, brillant Thierry Frémont, dénué de toute conscience morale, se montrera le plus entreprenant. Il ne reculera devant aucune ignominie, de la servile assurance de son engagement avec l’ennemi auprès du Commandant, jusqu’à l’espoir de trouver un juif parmi eux, ou du recours aux patients allemands du docteur, autre personnage particulièrement pleutre, jusqu’à la proposition de prostituer une des deux femmes après étude comparative émise par le professeur.
Chacun rivalisant d’imagination, les stratagèmes minables et sordides s’enchaînent, comme s’affiche le cynisme du Commandant :
«Je ne vous demande pas de sacrifier deux des vôtres, mais d’en sauver cinq».
La pièce est une reprise d’un spectacle monté voilà plus de dix ans et récompensé de trois Molières( meilleur spectacle privé, meilleure mise en scène, meilleure adaptation). Joué dans une salle spécialisée dans les «comédies boulevardières» prudente, Lulu s’était abstenue.
Francis Lombrail, directeur de l’Hébertot, aime et monte avec succès ce style de pièce. «Douze Hommes en colère» tient toujours l’affiche du théâtre.
Choix judicieux cette fois encore.
Parfaitement maîtrisée par le metteur en scène, Julien Sibre, l’intrigue terrible par définition, devient presque «drôle» grâce au texte rythmé par le foisonnement de répliques comiques. Elles apportent leur bouffée de légèreté à cet oppressant huis clos écrit par Vahé Katcha, auteur et scénariste arménien.
Intemporelle étude de notre humanité, de nos limites et faiblesses, de notre égoïsme, de notre faculté d’insouciance dans les pires moments.
Définie avec grande justesse par le metteur en scène de «Pure tragédie dramatique»,
Dans le contexte actuel la pièce prend une résonance particulière.
Si le rire est salvateur, ici nous devrions tous «rire jaune»
Entendre les nombreux spectateurs s’esclaffer bruyamment comme à une grosse farce, laissera Lulu abasourdie.
Pour autant, le spectacle n’en perd pas ses qualités,
Efficace et bien dirigé, il s’adresse à tout public.