Ecriture nerveuse, sens du découpage, acidité des dialogues, répliques percutantes, style moderne et efficace, sensible souvent, voire métaphorique ici.
Dans une complicité renouvelée avec l’auteur, Catherine Schaub signe une excellente mise en scène, intelligente, vive dans sa direction d’acteurs, dépourvue de tout « pathos ».
Abordant le problème de souffrances muettes et refoulées, Leonore Confino, loin de toute évocation larmoyante et mélo, opte pour une confrontation aussi inattendue que comique entre deux êtres improbables auxquels le hasard d’une rencontre redonnera une forme d’espoir.
Quand une gamine, oubliée par ses parents à la sortie de l’école s’accroche au grand type seul assis à ses côtés et parvient à s’installer chez lui,
Quand celui-ci commence à s’attacher à elle malgré ses insolences et le désordre qu’elle instaure dans sa vie,
Chacun découvrira progressivement les « anomalies » de l’autre : Petite file dissimule ses branchies sous son tee-shirt, Grande monsieur, un gouffre terrifiant derrière son dentier.
En choisissant un registre qui touche au fantastique Leonore Confino nous fait partager avec une certaine poésie, pudeur et délicatesse la révélation de blessures à vif :
Petite fille n’échappe à l’oppression de ses parents qu’en se plongeant la tête sous l’eau,
Impertinente, spontanée et ingénue, elle libérera Grande monsieur d’une « culpabilité » d’enfance qui l’a exclu de toute vie familiale.
Voir ce grand gars, viril, solide, bien découplé, se laisser peu à peu apprivoiser pour dévoiler sous ses airs rugueux ,en dépit de son ton rogue, une formidable fragilité, et révéler ses secrets penchants pour la féminité, nécessite de réelles qualités. Non sans audace pour une première apparition sur scène, Marc Lavoine, Grande Monsieur, révèle, dans ce rôle difficile, un talent confondant, affirmant une rare présence, conférant à son personnage toute l’ambiguïté indispensable, à la fois rude et abrupt, douloureux et hilarant.
Pour Petite fille, Géraldine Martineau déploie, outre ses qualités de comédienne accomplie, d’étonnantes aptitudes de « contorsionniste » : irrésistible dans l’évocation de ses parents, psychanalystes en perpétuel désaccord au sujet de leur fille, ses réparties effrontées, ses caprices d’enfant, sa mue soudaine en animal aquatique dégage un réel sentiment d’étrangeté.
Plongez dans le bocal.
Ce spectacle n’a pas fini de vous surprendre.