Ronchon, toujours vitupérant contre les institutions, maudissant la bourgeoisie et le conformisme réactionnaire, ses oeuvres sont le plus souvent autobiographiques et lui permettent de s'adonner toujours avec violence à l'art de l'imprécation et de la critique féroce.
Il y a quelque temps Serge Merlin nous a laissé un grand souvenir en interprétant "Extinction" texte incendiaire.
Le naufragé n'est pas vraiment un texte autobiographique, il n'en est pas moins tragique ainsi que son nom l'indique.
Seulement avec notre atrabilaire professionnel le tragique est bien souvent inséparable du comique.
Et là nous sommes comblés.
Récit d'une absolue noirceur, Le Naufragé évoque le drame d'un ami proche (Wertheimer) conduit lentement à se suicider en se pendant, en Suisse, devant le domicile de sa soeur.
A l'origine de ce désespoir sans retour une master class d'Horowitz suivie par nos deux amis (Thomas Bernhard et Wertheimer) en présence d'un troisième participant: Glenn Gould.
La rencontre de ce génie du piano ("c'est Glenn qui a choisi Horowitz, ce n'est pas Horiwitz qui a fait Glenn") aura pour conséquence fatale le renoncement définitif à toute ambition pianistique de nos deux compères anéantis par la virtuosité de Gould.
Plutôt tragique cette prise de conscience sans appel !
C'est sans compter avec la férocité de Thomas Bernhard qui s'exercera allégrement sur les professeurs de musique destructeurs de tous les jeunes talents, les virtuoses insupportables, l' horreur que lui inspire Salzbourg "la ville la plus hostile à l'art", la Suisse "le pays le plus putassier d'Europe", dénonçant aussi les philosophes ou les bibliothèques: "en quelque sorte des pénitenciers" ainsi qu'il les qualifie.
Ces détestations toujours aussi vivaces auxquelles rien n'échappe, sont servies avec espièglerie,subtilité, ironie par Armel Veilhan qui promène , seul en scène, sa longue silhouette qui n'est pas sans rappeler celle de Glenn Gould, coiffé de sa casquette et enveloppé de son grand manteau.
Ajoutez à cela l'adaptation et la mise en scène de Joël Jouanneau (décor minimaliste, une corde, une chaise, un piano), vous obtiendrez une équation parfaite.
Un seul conseil, trouvez une heure de libre d'ici au 16 décembre.
J'espère que ce