Les dernières chroniques en donnent l’illustration.
«Le Cercle des poètes disparus» film de Peter Weir, sorti en 1989 connut un énorme succès.
Toujours circonspecte face aux adaptations théâtrales d’œuvres romanesques ou de films,
ce spectacle en apporte un parfait démenti.
Rompu à l’exercice, Gérard Sibleyras signe la plus accomplie de ses nombreuses adaptations.
Olivier Solivérès, familier de ce cher Goldoni, confère une rare fluidité à la mise en scène.
Découpage des scènes au scalpel, rythme imposé au déroulement de l’action minutieusement réglé, tout obéit à une «mécanique» séduisante, inventive, efficace, enlevée.
Sans temps mort, ni aucune lourdeur, les chassés-croisés des pupitres et du bureau du professeur,
les faisceaux des torches électriques dans la nuit, la grotte secrète descendant des cintres, le praticable symbole des couloirs du collège, excellent travail du décorateur Jean-Michel Adam et le l’éclairagiste Denis Koransky, nous transportent avec sobriété et justesse dans les différents lieux de l’action.
Dans ce collège pour privilégiés, l’enseignement obéit à des règles strictes et les châtiments corporels toujours pratiqués.
«Tradition honneur discipline,excellence» en constituent les mots d’ordre.
Une devise à laquelle les nouveaux élèves, portant bannières et uniformes, doivent prêter serment devant leur directeur au cours d’un immuable cérémonial.
Dans ce lieu de «formatage» intellectuel, l’arrivée d’un «ancien» devenu professeur de littérature, va bousculer les traditions, rompre la rigidité des cours, et apprendre à ses élèves à penser par eux-mêmes, avec cette autre devise «Carpe Diem».
Porteur de tragédies futures, ce vent de liberté aura un moment soulevé l’enthousiasme des élèves.
Parenthèse heureuse d’une jeunesse bouillonnante de vie qui se prendra au jeu.
A l’imitation de leur aîné, elle s’enhardit et renoue avec les secrètes rencontres nocturnes, dans une grotte, pour enfin rêver à voix haute.
Le suicide d’un camarade victime innocente de l’autorité aveugle d’un père despotique fera voler en éclats cette fragile harmonie.
Recourant au chantage du renvoi, les élèves seront contraints à faire porter la responsabilité de cette tragédie à leur professeur.
Ainsi le charismatique Keating, interdit d’enseignement, verra à jamais sa carrière brisée.
Triste triomphe de l’ordre et des conventions,
Plus mornes que jamais, les cours reprendront sous la férule du terrible directeur.
Dans l’esprit de ces jeunes, une petite flamme aura été allumée.
Dans le rôle de l’inoubliable Keating, Stéphane Freiss, frémissant de vie, virevoltant devant le tableau noir, perché sur son bureau, nous entraîne dans son jeu à l’image de sa classe.
Confondant de charme, de vivacité, irrésistible, il tient en haleine ses élèves... et son public.
Félicitations aux jeunes qui l’entourent sans la moindre fausse note. Hélie Thomas,Tod le timide, Audran Catin le rebelle, Maxime Hurigen, Richard l’amoureux, Pierre Delage, Meekx le rondouillard, Maxence Seva Maxence le timoré. Emouvant, Ethan Oliel incarne Neil, le suicidé incompris qui se rêvait acteur.
Chacun joue sa partition avec un talent rare, une authenticité peu commune chez de jeunes comédiens.Pleinement investis dans leur personnage, ils incarnent avec beaucoup de justesse les différentes personnalités en présence. Justesse encore pour les interprètes du directeur borné, du Père tyrannique .
Un succès pleinement justifié,
Un spectacle tout public,
aussi élu par Lulu.