Après de sublimes « Fausses Confidences » de Marivaux, encore à Aubervilliers, le metteur en scène retrouve cette fois encore Pierre Arditi pour « Le cas Sneijder » roman de Jean-Paul Dubois dont il signe l’adaptation.
Homme de théâtre, Didier Bezace n’est pas à son coup d’essai.
Il n’empêche.
Si la folie guette notre héros blessé de la pièce, l’engourdissement, lui, s’empare bientôt du public.
Paul, obsédé par la mort de sa fille Marie, dans un terrible accident d’ascenseur dont il a réchappé, ne vit plus que pour essayer de « comprendre ».
Perdu dans ses analyses de mécaniques, il se retranche du monde, indifférent à l’infidélité de son épouse essentiellement occupée de sa carrière professionnelle, exaspéré par ses jumeaux qu’il qualifie de « masculinisation de leur mère » et d’aberration spermatique ».
Pour seule échappatoire, il acceptera de promener des chiens.
L’unique personne à ne pas demeurer insensible à sa douleur : l’étrange expert chargé par la compagnie d’enquêter sur l’accident.
Au milieu des murs, tableaux noirs couverts de graphiques et de calculs,
Deux portes coulissantes.
Leur ouverture rythme les séquences de l’histoire :
De blanches fumerolles s’en dégagent quand elles nous font pénétrer dans les pensées de Paul en voix off.
Si elles découvrent un décor « matériel » (entrée de la maison, salle de bain), leur fermeture provoque immanquablement la sonnerie stridente de l’alarme.
Passé la première scène entre Paul et sa femme de retour de son rendez-vous galant, comique et cocasserie caractérisent encore l’embauche de Paul par le propriétaire du chenil. La leçon prodiguée sur l’art et la méthode de la promenade canine nous dévoile une écriture qu’on imagine volontiers plus corrosive et féroce.
Mais cédant aux digressions, au recours systématique de la voix off, le texte s’embourbe dans les méandres de réflexions pseudo-philosophiques, dénonçant une société formatant les individus devenus « colis calibrés », et les accidents d’ascenseur l’outil d’élimination des « surcharges », traduisez : les êtres à part, en l’occurrence lui et sa fille disparue.
Bercé par le recours systématique de la voix off de Paul, lassés par de longs passages qui s’étirent et s’effilochent toujours davantage, dans ce rôle, Pierre Arditi ne parvient que bien rarement à nous donner la véritable dimension de son talent.
Seule la scène du chenil aux côtés de Thierry Gibault, apporte une note de dérision salutaire à la soirée.
Nous avions déjà été très déçus par une précédente adaptation de Didier Bezace « Que la Noce Commence » de Horatiu Mâlâele,
« Le Cas Sneijder » signe un nouvel échec.
Que diable cette mode.
De belles pièces existent cependant.
Elles ont été créées pour le théâtre.
Ce n’est pas un hasard.