Faire rire à partir de l’ennui.
Comédie délicieuse, « Le Cas Martin Piche » nous en offre la parfaite illustration.
Monsieur Piche, la cinquantaine débonnaire, mine de chien battu, inquiet, mal à l’aise, déjà embarrassé pour choisir son siège ou accrocher son manteau, fait son entrée hésitante dans le cabinet d’un psy.
Enfin installé face au praticien, d’un ton monocorde il formule le motif de sa consultation :
« Je m’ennuie. D’après ma femme, je ne m’en rends pas compte »
Face aux nombreux efforts déployés par le médecin pour éveiller l’attention de son patient, Monsieur Piche répond par l’assoupissement, entame une inénarrable démonstration sur l’art de feindre l’intérêt devant son interlocuteur, développe sa conviction profonde d’ennuyer tout le monde, affiche un mépris absolu de son travail de scénariste, source d’histoires les plus folles considérées comme la quintessence de la banalité, accro à ses pilules, il n’a de cesse de vouloir s’esquiver, contraint de se résigner, conciliant :
« J’avais prévu de m’ennuyer chez moi, mais je peux le faire ici ».
L’air absent, indifférent, abattu, sans réaction ou faussement coopérateur dans ses explications absurdes, l’auteur compose un inénarrable Monsieur Piche.
Intelligence en éveil, passionné par le cas, Hervé Devolder est un psy décidé que son patient finit néanmoins à pousser à bout.
Apathie contre dynamisme, positivité contre négativité sous-tendent tous les rebondissements de l’intrigue ;
Dans un pétillant dialogue, l’ennui de Monsieur Piche nous divertit sans faiblir.
Sans forcer la note, la mise en scène de son complice Hervé Devolder leur imprime le rythme voulu.
Rondement menée, spirituelle et cocasse, une comédie véritablement originale qui évite tous les pièges du convenu.
Un bien savoureux moment de théâtre.