Pas de regrets, inutile de se précipiter.
Ce canard a du plomb dans l'aile.
Stéphane Braunschweig s'est fourvoyé.
Une première scène formidable de force permettait de garder ses illusions. L'apparition de Werle, capitaliste sans scrupule ,( Jean-Mrie Winling,) sur un écran géant se dressant dans le dos de son fils Gregers, assis lui, sur un élégant fauteuil , dans une scène "d'explication" sans concession et sans issue,et dans laquelle aucun des deux interlocuteurs ne se voient.
Tout bascule dans l'invraisemblance et la parodie dès que nous avons pénétré dans la famille d'Ekdal.
Ruinés et déshonorés par le Père de Gregers, ils vivent pauvrement sous un même toit qui réunit trois générations: le Grand-Père, à moitié fou depuis sa condamnation, son fils, velléitaire et incapable, son épouse qui tient à bout de bras ce ménage précaire, et leur fille, trésor de douceur et de gentillesse, follement attachée à ce Père si faible.
Leur grenier a été "installé" en forêt, ils y ont recueilli un canard sauvage blessé, objet de tous leurs soins.
Ce cadre modeste apparait sur le plateau comme un décor dernier chic chalet de montagne, immense cloisons de bois clair, aux panneaux élégamment soulignés de baguettes, mobilier sobre, mais parfaitement assorti dans ses tons de beige, et en fond de plateau l'ouverture coulissante s'ouvrant sur de majestueux et hauts sapins,
Cela respire le luxe accompli.
Flagrante contradiction avec le contexte.
Dans la même veine, le jeu des acteurs ne sert pas le drame, il va jusqu'à le dénaturer, poussant la caricature au point de nous le rendre risible dans les moments où la tension devrait atteindre le paroxisme de son intensité.
Claude Duparfait, pourtant génial dans "Les Arbres à abattre"de Thomas Bernhard, en début de saison dans ces mêmes murs, interprète son rôle de justicier transformé en ange exterminateur, avec un air de nazillon aux déhanchements ridicules, mimiques figées, élocution mécanique. Chloé Rejon bien décevante aussi, lourde et rigide, et Charlie Nelson un Ekdal pitoyable au sens propre du terme, jeu extérieur et forcé.
Seule , mais éblouissante, Suzanne Aubert, parvient à nous émouvoir authentiquement dans le rôle pourtant le plus difficile, celui de l'adolescente Hedvig. On ne regrette que davantage le "ratage" complet de la scène ultime, dénouement le plus tragique sans une once d'émotion.
Pas de doute sur la qualité du "Canard".
Mais la recette le rend impropre à la consommation.