Dernièrement, la mise en scène de "Disgrace' de Coetsee était signée de Luc Perseval, autre figure emblématique de la scène internationale.
Cette saison marque le retour en force d'Ivo Van Hove
le voilà aux prises avec avec un chef d'oeuvre national: "L'Avare" d'après Molière.
Précision d'une grande importance.
Je dirai quant à moi "Inspiré" de Molière.
Très personnel son "Avare".
Transposition totalement contemporaine.
L'action de déroule dans l'impressionnante scénographie de Jan Versweyveld: l'immense appartement moderne occupe la totalité du plateau de la grande salle.Toutes les pièces s'articulent autour de montants "dorés" qui encadrent baies et balcons s'ouvrant au centre. Au fond, les chambres mitoyennes des enfants Elise et Cléante, devant les"pièces à vivre".
Mobilier spartiate et fatigué, sol jonché d'objets abandonnés révélateur d' une négligence généralisée. La profusion d'écrans de télévisions et d' ordinateurs contraste curieusement dans le lieu.
Le Sieur Harpagon, homme mûr, portables vissés à l'oreille, oeil rivé à l'écran, veuf et redoutable tyran domestique, exerce sur ses enfants en âge de convoler, un pouvoir absolu qui ne souffre aucune contestation .
Sourd à leurs penchants naturels, il n'entend que son intérêt matériel . Que lui importe de briser la vie de sa progéniture face aux gains que représentent ces unions forcées avec de riches vieillards par lui décidées.
Mais pour lui, il aura soin de vouloir mettre un terme à son veuvage en jetant son dévolu sur une ravissante et jeune personne, objet de la flamme de son propre fils.
Sa dureté de despote, poussée jusqu'à la violence physique, n'épargne pas davantage ses plus fidèles domestiques.
Désespérés de n'être jamais entendus en dépit de leur prières et tentatives de persuasion, soupirants et subalternes s'uniront pour tenter en vain de se soustraire à cet empire de la cupidité.
Harpagon aveuglé par sa passion du lucre, seul maître de ses actions, finira inexorablement volé, abandonné et trahi par tous.
La solitude sera le prix à payer, le suicide par défenestration, comme durant la crise de 29, sa seule issue.
Et Harpagon sautera dans le vide.
Ivo Von Hove a dépeint un Avare tout en âpreté, d'une implacable dureté, d'une cupidité qui le rend incapable de la moindre tendresse, fusse envers ses propres enfants.L'homme encore vert,n'en est pas moins sensible aux appâts du beau sexe en dépit de la"modestie" de l'élue, hélas dépourvue de dot.
C'est bien dans notre monde, régi par l'argent et la satisfaction de nos seuls plaisirs qu'il a choisi de situer cet Avare.
Mais pour nous, qui sommes imprégnés par Molière depuis notre plus jeune âge, il manque la farce, le ridicule du barbon lubrique, la légèreté des disputes entre jeunes gens amoureux, le comique de situation des valets dans la fameuse scène de l'organisation du souper.Seule Rosine, toujours pendue à ses portables et empêtrées dans ses intrigues bancales, elle, n'a rien perdu de sa couleur.
Ainsi traité par un autre, cet "Avare" aurait pu, comme tant d'autres classiques n'être plus qu'un prétexte à une improbable relecture.
Cependant Hans Kesting , entouré par une troupe qui excelle, confère une formidable épaisseur à son personnage . Et Ivo Van Hove parvient cette fois encore à nous donner l'incontestable démonstration de son talent,