A la lumière des chandelles, taille prise dans son pourpoint noir, sans décor (hormis une chaise, un pupitre de clerc et un escabeau), Benjamin Lazar met en scène et interprète ce texte étonnant.
Florence Bolton à la viole, Benjamin Perret au théorbe à la guitare ou au luth baroque, ménagent les intermèdes musicaux qui viennent ponctuer harmonieusement ce récit.
Foisonnant de surprenants rebondissements, notre héros interprète ses aventures avec une imagination digne de celle de l'auteur .Qu'il grimpe sur sa chaise, le voilà qui semble suspendu dans les airs lors de ses improbables ascensions. Qu’il passe sa tête entre les degrés de l'escabeau, il est cet oiseau cruellement encagé. Qu'il s'adresse à une petite marionnette à son effigie assise sur son bras, et nous partageons toutes les vicissitudes du malheureux héros.
Aussi résonnent superbement, grâce à ce parler à l'ancienne, les intonations, les pluriels, les finales, et roulent joliment les R.
Vocabulaire fleuri, langue imagée, truculente, la poésie émerge, mais le verbe toujours maitrisé.
L'entendre atteint à la délectation
L'écouter permet d'en mesurer l'incroyable audace pour l'époque: la dénonciation, au-delà de ce prétexte délirant, de l'obscurantisme, de l'intolérance et de l'arbitraire exercés par l’Eglise, le Pouvoir et la Société.
Savinien de Cyrano, au fait des récentes découvertes de Galilée et Copernic s'en inspira assurément pour son voyage fantasque et cocasse.
Un de ces étranges personnages, également réfugié sur l'astre rond, ne lui confie-t-il pas, en lui parlant de notre monde, « qu’ il n'avait pu trouver un seul pays ou l'imagination fût en liberté »
Talent époustouflant de metteur en scène, de comédien ( et de chef d'orchestre) me voilà bien "coiffé" de Benjamin Lazar, comme sidérée par Savinien de Cyrano de Bergerac dont je découvre l'incroyable audace et l'imagination poétique sans limite.
Le Grand Siècle ne pouvait rêver illustration plus accomplie.
Lulu en demeura toute esbaudie.