Ce printemps, au Poche, lors d'une soirée -cabaret, elle entourait d'autres artistes.
Lulu ne voyait qu' elle.
Robette de jersey moulant, poitrine posée sur un ventre bien rebondi et ourlet de jupe relevé devant, tête enserrée d' un strict turban noir égayé de pendants d'oreille virevoltants, perles enroulées au cou, petit sac de dame patronnesse au bras, Raymonde c'est Denis d'Arcangelo.
Avec pour tout décor deux chaises, un guéridon de bistrot, et deux ballons de rouge, accompagnée par le Zèbre, son accordéoniste attitré, Madame Raymonde est une formidable chanteuse réaliste, mise en scène pour la première fois par Juliette.
Pour ce récital, elle a choisi de partir à New-York.
Simple prétexte à d'inénarrables aventures, la chanson française y conserve toute sa place.
Lèvres rouges incarnat, moue réprobatrice ou mine entendue, Madame Raymonde tour à tour souveraine du macadam déchue, terrible matrone autoritaire, devient la singulière et désopilante interprète d'un répertoire où se rencontrent des auteurs aussi différents que Serge Gainsbourg et Berthe Sylva.
Caricaturant la femme effarouchée harcelée au téléphone par un maniaque alors qu'elle attend l'improbable appel d'un producteur ( " Allo" , créé par Jane Birkin), comme emportée par l'aventure, tournoyant bras écartés, jupe envolée pour les couplets de " Ben Hur"( chanson oubliée de Berthe Sylva ) elle atteint encore des sommets de folie et de comique dans la chanson réaliste et tragique du gardien de phare de Joinville...
Mains croisées sur le ventre, jouant de ses perles, tête reversée ou menton pointé, elle entonne aussi bien ses "chansons hydratante"s après s'être mouillé le gosier que " Vas-y, donne-moi des coups ".
Gouaille et abattage, sens du tragique comme de l'épique, Madame Raymonde possède toutes les qualités de son personnage.
Merveilleuse comédienne, on souhaiterait la voir jouer plus encore.
Lulu conquise par Madame Raymonde,
Laissez-vous séduire à votre tour!