Produits commerciaux, destinés à la grande consommation, ils obéissent à des formules toutes faites, avec composants codifiés et calibrés.
S’il compte de très bons auteurs comme Neil Labute ou David Mamet, que j’admire et respecte (chroniques de « Bash « avril 2014, ou « Race » février 2012), en Amérique, le phénomène n’épargne pas davantage le théâtre.
C’est hélas le cas de « La Vénus à la fourrure » de David Ives, (inspirée du roman éponyme de Sacher Masosh), crée à Broadway en 2010 et adaptée en français par A. E. Blateau.
Soir d’orage à New-York, dans une salle vide un metteur en scène découragé après d’innombrables auditions : la Vénus qu’il imagine pour son adaptation théâtrale semble introuvable quand arrive, essoufflée et jurant, une comédienne inconnue. Insistante, elle est engagée pour subrepticement devenir, au cours de la répétition, la séduisante tortionnaire de son metteur en scène, réduit à son tour en victime asservie et proie consentante.
Usant jusqu’à l’over dose du stratagème du théâtre dans le théâtre, des effets de miroirs et de téléscopages, dans un jeu S.M. sans arrière-plan, avec force « explications » psychologico-intellectuelles de comptoir, la pièce transpire l’artifice, suinte le factice.
Belle, Marie Gillain se démène autant qu’elle peut. Actrice de cinéma, sur scène son séduisant physique ne suffit pas à faire oublier son manque évident de présence sur le plateau. Le cinéma n’est pas le théâtre, et la comédienne lasse vite, mêmes jurons à la bouche, mêmes positions supposées provocantes répétées sans fin, élocution inexistante, faux airs affranchis, jouant sans finesse ni nuances ce jeu de perversion
Nicolas Briançon, vu et apprécié dans tous ses nombreux précédents spectacles, est incontestablement un excellent comédien. Les personnages sulfureux, il aime : je garde, entre autres, le souvenir d’un Sade émouvant il n’y a pas si longtemps.
Dans ce rôle de metteur en scène manipulateur-manipulé, son cabotinage outrageusement complaisant, déçoit profondément.
Plus déconcertant encore, Jérémie Lippman. Jeune et brillant metteur en scène, il sait monter des pièces d’une autre exigence, par exemple « Hiver » de Jon Fosse, magnifiquement joué par Nathalie Baye en 2008. Je mettais sur le compte d’une erreur passagère « Chien- Chien » de Roger Lacan avec Alice Taglioni en 2010. La récidive devient plus inquiétante. Le décor signé Jacques Gabel, rideau de plastique déchiré pendant sur la scène, toile peinte de formes oblongues blanchâtres, forêt bavaroise ou pâles symboles phalliques, et incontournable ottomane de velours, n’apporte rien d’intéressant au spectacle.
Deuxième pièce américaine, après « Chambre Froide » à La Pépinière, « promise » au succès parisien cette saison, « La Vénus à la fourrure » ne bénéficiera pas davantage du soutien de LULU.