Son retour au Rond-Point aiguisait autant mon impatience que ma curiosité gourmande.
Mais la surprise est une incontournable composante de "l'aventure théâtrale".
C'est aussi un de ses attraits essentiels.
Dans la Trilogia degli Occhiali, la découverte se métamorphose en déconvenue.
Auteur également Emma Dante définit elle-même sa pièce: trois histoires illustrant trois conditions humaines, la pauvreté, la vieillesse, la maladie.
Dans la première (Pauvreté) un marin abandonné sur un quai improbable par un équipage sans scrupule, lassé de sa présence dérangeante à bord, délire face à la mer. Seul univers d'une existence sacrifiée et misérable, cette mer, en la personnifiant, il en fait son unique réconfort, seule source de tendresse et d'évasion.
Avec des gesticulations de pantin, notre marin (à la proue d'un bateau miniature, les membres attachés à des cordages reliés à des poulies terminées par des ancres) se livre à d'indescriptibles acrobaties qui illustrent et ponctuent l'évocation de ses souvenirs de navigateur, aussi délirants que pathétiques.
Mais le flot de ces élucubrations en patois palermitain a tôt fait de nous submerger, on s'y noie très vite. Tout comme les prouesses acrobatiques finissent par lasser.
C'est outré répétitif, souvent facile.
Les mêmes défauts reviennent comme un refrain, ralentir péniblement les histoires suivantes, malgré un début prometteur dans chacune:
Un délirant habillage de bonnes soeurs ( pas vraiment bonnes) devant une rangée de crucifix se balançant au bout de gros élastiques, dans la seconde (Maladie);
Une caricaturale valse d'un couple de vieillards cacochymes, perclus et crachotants, dans la troisième (Vieillesse), prélude à une suite particulièrement interminable de danses pseudo endiablées, évocation convenue d'une folle jeunesse disparue.
Sur les deux heure quinze de spectacle, en me montrant généreuse seules quinze minutes sont réussies. Le compte n'y est pas, loin s'en faut.
Qu'est-il arrivé à Emma Dante?