Un Chevalier inconsolable depuis l’entrée dans les ordres, afin de se soustraire à un mariage imposé par son père, de celle à qui il vouait sa flamme.
Voici réunis par Marivaux deux êtres à l’affliction sincère, profonde, dévastatrice,
A l’insurmontable chagrin.
Aussi la «surprise» de leur attirance mutuelle les conduiront aux dernières extrémités.
Préférant le travestir du trompeur vocable d’amitié,
ils refuseront de reconnaître le nouvel émoi de leur coeur.
Leurs serviteurs zélés feront moins de manières pour se déclarer.
Créant parfois de dangereux quiproquos, ils déploieront avec un bonheur inégal leurs interventions en faveur de leurs maîtres.
Ils se chargeront de congédier le prétendu philosophe, un fat nommé Hortensius, vivant aux crochets de la Marquise.
Et le Comte, presque accepté comme époux par la Marquise, usera d’un stratagème pour contraindre les amants à se dévoiler.
Voici dénoncés par Marivaux les ravages de l’amour-propre.
Ainsi gouvernés, la Marquise et le Chevalier frôleront le désastre.
Sans l’intervention du Comte,
Aveuglés, ils manqueront passer à côté du nouveau bonheur qui s’offre à eux.
«Vous avez renoncé à l’amour et moi aussi»déclare le Chevalier.
«Nos amitiés nous seront d’un grand secours» ajoute la Marquise.
De peur de se trahir, voilà énoncées les affirmation dont nos héros resteront obstinément prisonniers.
Se retrouvent dans cette pièce tous les tourments du coeur, les troubles de l’âme, toujours merveilleusement décrits par Marivaux.
Mais ici soigneusement caricaturés dans la mise en scène d’Alain Françon.
Faisant fi de toute la subtilité, dont il n’est pas dénué (Un Mois à la Campagne, Lulu de mars 2018, pour ne citer que la plus récente)
Le metteur en scène, malgré ses prétentions affichées à faire entendre le texte,
Cède à une affligeante facilité.
Ses héros ressemblent à des benêts, des pantins, privés de la séduction, de la suprême élégance du siècle.
Certaines répliques résonnant comme de pitoyables niaiseries,
Voilà une Marquise, malheureuse Georgia Scalliet, oubliant toute retenue due à son rang, qui s’agite sottement, criaille vulgairement, se jette par terre tel un enfant colérique.
Voilà un chevalier, Pierre-François Garel, bien emprunté. Echarpe germano-practine autour du cou, il semble privé d’entendement, s’exprime avec les difficultés d’un sot.
Que dire du Comte, grande gigue calamistrée et fine moustache noire: sanglé dans des costumes affreusement voyants, il a tout du gigolo ou du danseur mondain.
Rien à ajouter au personnage du fat Hortensius, Rodolphe Congé, si ce n’est qu’il mérite son congé.
Thomas Blanchard, le valet, n’apporte rien que l’on n’ait maintes fois vu.
Seule Lisette, Suzanne de Baecque, donne chair à son personnage.
En dépit d’un physique «ingrat», d’une gestuelle de bras encore exagérée,
Son bel aplomb, son dévouement jusqu’à la maladresse pour sa maîtresse paraissent seuls authentiques face à ces grotesques mal mis (costumes de Marie La Roca), passant d’un perron l’autre ou, plus démodés encore, déclamant face au public.
Pour assouvir son ire,
Reprenant une réplique d’Hortensius ,
Lulu conclura:
«C’est un blasphème contre Marivaux qui vient d’être commis»