Rires assurés.
Pierre Arditi le printemps dernier dans « Le Cas Sneijder », Dominique Valadié, actuellement avec « Au But ».
Fruit d’un long travail en commun et d’une rare complicité, comme l’explicite l’auteur dans sa présentation,
« La nostalgie des Blattes » en illustre l’exemple opposé.
Seules, sur le plateau, deux vieilles assises sur leur chaise.
Autour, un monde orwellien sous l’empire de l’électronique, désert.
Réduites à l’état d’objet de curiosité, elles espèrent des « visiteurs » disparus depuis longtemps.
Chacune pourtant prétend au monopole de la situation.
Chacune représente une gêne pour l’autre, une rivale insupportable.
Hormis leur décrépitude, tout les sépare.
Vissées, soudées à leur siège,
Elles se jaugent, se toisent, se soupçonnent, s’abusent, se provoquent, s’affrontent, s’invectivent ;
Quelquefois, elles se livrent, sympathisent, s’attendrissent, se réconfortent,
Elles s’affranchissent, pactisent, se libèrent enfin.
Infatigables, hilarantes, leur vitalité n’a d’égal que leur rosserie, leur énergie, la crudité dans la description exhaustive de leur délabrement physique, leur réalisme dans la simulation d’infirmités, leurs affabulations dans leurs affirmations, leur enthousiasme dans l’évocation de leurs prouesses passées.
Prodigieux duo.
Monstre sacré, clouée à son siège, sous sa crinière léonine, Catherine Hiegel, par ses seuls froncements de sourcils, inclinaisons de tête, par ses moues réprobatrices ou d’acquiescement, le déplacement du buste, les gestes de bras, et l’infini registre de la moindre intonation de sa voix légèrement rauque, subjugue. Sans oublier ses acrobaties, sans se lever jamais, pour nettoyer les montants de son siège.
Cheveux raides, grand échalas, presque maigre sous sa large chemise et son pantalon souple, pommettes saillantes, yeux rougis, iris bleu translucide, Tania Torrens ne manque pas d’habileté et ni d’intelligence dans sa partition. Autoritaire, nostalgique ou simulatrice, jamais elle ne dépare.
Elle est l’idéaliste, croyante, déçue dans ses rêves, face à une ancienne prostituée persuadée de la justesse de sa cause.
Pour sa mise en scène réglée au cordeau, pour magnifier l’humour noir de son texte Pierre Notte ne pouvait rêver meilleures interprètes.
Une soirée qui vous réconcilie avec le théâtre.
Décapante,
Vivifiante.