La faute en incombe à Christian Benedetti dont l'Oncle Vania (Lulu d'Or la saison dernière) atteignait à la perfection tchekhovienne, aussi marquante et inoubliable que la Cerisaie de Peter Brook ou le même Oncle Vania porté à l'écran par Konchalovsky.
Dans la salle de l'Athénée (une des plus exquises de Paris) véritable écrin croulant sous les ors et les stucs, l'absence totale de décor et l'extrême économie de la scénographie et des accessoires ne peuvent fonctionner avec la même cohérence que dans le studio d'Alfortville, ancien hangar industriel transformé en théâtre.
Et la salle éclairée tout au long de la soirée (théâtre dans le théâtre oblige) enlève beaucoup à l'intimité nécessaire à la pièce.
Crudité, nudité, dominent la mise en scène.
C'est abrupt, rugueux, voire grossier (Arkadina est-elle obligée de faire une "gâterie" à Trigorine quand elle le supplie de ne pas l'abandonner pour la jeune Nina). Et pourquoi prêter des comportements, des réactions, des attitudes de la jeunesse d'aujourd'hui à cette jeunesse d'autrefois."
Le résultat est souvent réducteur et même les silences de Christian Benedetti, pourtant si "pleins", si "remplis" de tant d'interrogations, d'attentes, d'inquiétudes, de désespoir contenu, viennent ici comme des ruptures qui enlèvent à la pièce toute fluidité.
Affrontements, colère, révolte, éclipsent ici désillusions, tristesse, déliquescence et désespoir profond.
Dans cette distribution, le docteur et Sorine, le frère d'Arkadina, sont les seuls à conférer à leurs personnage nostalgie et fragilité.
Tant d'âpreté finit par gommer tout sentiment d'émotion, c'est d'un autre Tchékhov qu'il s'agit ici: pour ceux qui n'ont pas vu Oncle Vania et que rebute la banlieue d'Alfortville