Désopilant fiston,
Acolytes au diapason.
Ainsi privée de certaines soirées pourtant programmées,
Lulu s’est vue comblée par «La Mouche» fort heureusement épargnée par ces vicissitudes.
Bienvenue dans l’univers « Deschiens ».
Sous les murs décrépis des Bouffes du Nord la scénographie d’Audrey Vuong ne pouvait mieux trouver place.
Sur un terrain vague, quelques pousses rabougries se révèlent être un improbable potager d’où émergent, malicieux, deux nains de jardin.
A cour, une modeste roulotte préhistorique, coque de plastique déglinguée, dépourvue de porte. De vieux tissus et un bout de barrière extensible en ferment l’accès. A l’intérieur, vestiges de la modernité des années soixante, un téléphone à fil et un transistor apportent leur note de confort.
Voici la coquette maison d’Odette, Christine Murillo .
A jardin, un hangar vermoulu avec son rideau de fer sonore sert de chambre, plutôt de laboratoire, à Robert, Christian Hecq.
Rétif au travail, il consacre tout son temps à ses recherches «scientifiques»: la téléportation.
Vous l’aurez compris, les complices de «Vingt mille lieues sous les mers»( Lulu d’Or en 2016) ont trouvé ici une nouvelle source à leur inspiration débridée, loufoque et poétique.
Expériences toutes aléatoires et manquées, multiplication des cobayes sacrifiés, cocasse scène de cueillette dans le potager, inénarrable apéritif de présentation avec une fiancée potentielle, fausse oie blanche revenue au village, constituent autant de prétextes comiques pour nos auteurs passés maîtres en la matière.
A la suite la disparition de la chienne Charlie, la « volatilisation » de Marie-Pierre au cours de l’expérience de téléportation interrompue par un court-circuit provoqué par maman, déclenchera une enquête policière.
Désespérément à la recherche de sa bien-aimée, Robert au cours de ses tentatives se transformera en insecte géant à cause d’une mouche enfermée avec lui dans l’habitacle.
Christine Murillo, au sommet de son art, est une Odette hors-pair.
Blouse bleue, cardigan canari, petites lunettes rondes sur le bout du nez et perruque brune prestement posée sur sa touffe blanche bouclée à chaque visite, imposante d’embonpoint envahissant, elle déploie une stupéfiante aisance dans l’espace minuscule de sa roulotte, confond de crédulité, cancane avec délectation, fait montre de fausse autorité comme elle joue avec douceur de la persuasion auprès de son rejeton, affiche avec toute la maladresse voulue une complicité coupable auprès de l’inspecteur.
Tempérament authentique, tout en rondeurs rebondies, savoureuse sans faiblir, pas une de ses répliques qui ne soit une perfection d’interprétation.
Christian Hecq n’a rien perdu de son inénarrable talent burlesque .
Sommet du crâne dégarni, cheveu éclaircis et ébouriffés, spectaculaire, sa silhouette singulière se métamorphose dans un inépuisable registre de poses toujours inattendues, se désarticule d’une courbe à son contraire, se déhanche, se tortille, tressaute, sautille, démarche saccadée ou traînante, danse étranges, poses incongrues. Son visage aussi mobile, menton, bouche langue sont pour lui d’autres accessoires qui lui confèrent d’inimitables mimiques. Rébarbatif ou enjôleur, colérique ou concentré, il déploie aussi une inventivité de génie.
A côté de ces deux géants de la scène, saluons les partenaires à la hauteur :
Valérie Lessort, Marie-Pierre, aussi metteur en scène du spectacle, perruque crêpée, soquettes blanches, et rose à lèvres bonbon, est une irrésistible bécasse crédule au sourire béat.
et Stephan Wojtowicz en inspecteur Langelaan, faussement débonnaire, persévérant, insidieux, porté sur la Suze, et graveleux. Ses attitudes, mimiques et intonations sont au diapason de son personnage et de ses partenaires.
Après «YES» délicieuse comédie musicale satirique des années folles de Maurice Yvain et Albert Willemetz, interprétée par la Compagnie des Brigands, vue juste avant qu’elle ne quitte l’affiche de l’Athénée mais que je tenais à citer,
Rien de mieux que ces bourdonnements de «La Mouche» pour égayer la morosité ambiante.
Un bijou visuel et comique du plus bel éclat.