Giraudoux y dénonce l'avididité sans scrupule de financiers foncièrement malhonnêtes, capables de toutes les turpitudes pour assouvir leur inextinguible cupidité.
Leur dernier projet grandiose: détruire la Colline de Chaillot au prétexte d'y exploiter un gisement de pétrole qu'elle contiendrait dans ses sous-sols.
La Folle de Chaillot, âme pure s'il en est, avec la complicité bienveillante des miséreux et sans grades des alentours, et après consultation de ses" consoeurs en folie" des quartiers voisins, mettra en place un infaillible stratagème qui débarassera la terre de ses terrifiants prédateurs.
Sujet toujours d'actualité, tristement intemporel.
Traité par Giraudoux, la solution proposée est toute d'exquise naïveté, de fantaisie, de rêve et d'imaginaire réunis.
Ses financiers n'en sont pas moins croqués sans concession, avec une férocité admirablement lucide, campant chacun de ses personnages avec une rare acuité.
Créée en 1945 avec Marguerite Moréno et Louis Jouvet, dans des décors de Bérard et une musique de Sauguet, je regrette de ne pas être née pour avoir pu y assister.
Maintes fois remontée, je l'ai vue avec Edwige Feuillère, inoubliable dans ce contre-emploi.
La représentation d'hier m'a laissée dans une profonde perplexité.
Décors écrasants. Faux Trauner dans le premier acte, à la terrasse de "Chez Francis", ne laissant aucun espace aux comédiens. Sous-sol comparable au "Nautilus" de Jules Verne pour le deuxième acte, avec ses machineries disproportionnées.
Les lumières trop appuyées accentuent encore la laideur des couleurs, sans oublier celle des costumes: perruque rousse flamboyante pour la Folle, revêtue d'oripeaux acajou, émeraude, lichen ou turquoise dans les plus ordinaires des lamés. Véritables déguisements pour ses deux acolytes.
Pâles comédiens chez les hommes à l'exception de Dominique Pinon.
La timide Folle de Saint Sulpice est sans surprise tout comme la corpulente Folle des Champs Elysées.
Vous attendez La Folle de Chaillot bien sûr. Anny Duperey .
Juste, extrêmement féminine, toujours belle en dépit de son maquillage à la Marguerite Moréno.
Il lui manque l'essentiel; la folie, ce grain de fantaisie indispensable au personnage.
Ses répliques? elle nous les assène comme Elvire Popesco jouant Edouard Bourdet.
Nous voilà au Boulevard. Didier Long l'aura voulu.
Cela semble séduire le public.
la pièce semble démodée à d'autres .
Relire son texte m'a ôté d'un doute.
Morne soirée.