Une table, une chaise et la suspension qui seule déverse un halo de lumière à peine perceptible.
Assis derrière la table, Krapp - Serge Merlin.
Commence une belle séquence quasiment muette, essentiellement visuelle et comique.
Krapp mange une banane, se lève, revient avec un magnétophone et ses"bobines".
Dans cette atmosphère funèbre, débute son dialogue avec l'enregistrement.
Et c'est sur un ton badin, dans un esprit tout beckettien, qu'il s'adresse à ses "bobiiiines", considérées avec gourmandise, pour choisir "l'élue" du jour, car chaque année il s'est enregistré à la date de son anniversaire.
Ramenés quelques décennies plus tôt, le récit diffusé par cet être fantomatique, n'est guère plus gai.
Tout y est naufrage définitif: amour fulgurant, écriture, vie quotidienne inexorablement vouéeà l'échec.
"Avec toute cette obscurité autour de moi, je me sens moins seul en un sens" se réconforte-t-il en s'écoutant.
Beckett pur jus.
Désespoir absolu.
Je suis preneur.
Las. Christian Merlin pourtant si impressionnant en Thomas Bernhard éructant dans "Extinction", ou dans "Fin de Partie", n'est pas ici comme on l'espérait et l'attendait avec intérêt.
Pourquoi verser si vite dans le déclamatoire et la grandiloquence.
Le texte y perd en crédibilité et en profondeur.
Chez Beckett jamais de redondance. C'est le rien qui prime.
Alain Françon a fait une belle mise en scène visuelle, mais n'est pas parvenu à canaliser l'emphase de son interprète.
L'acteur possède de grandes qualités, il est impressionnant.
Mais ce n'est plus Thomas Bernhard qu'il incarne ici, c'est Krapp, dans "La dernière bande".
Regrettable confusion des genres. Vraiment.