Mal taillée.
Face à l’opprobre générale de son entourage,( enfants et gens de maison), le pire menace encore le «coupable»: sa condamnation à la castration lors du procès intenté par l’épouse.
On l’aura compris, après des siècles de domination phallocratique, inépuisable source de la souffrance et de l‘exploitation des femmes,
dans un radical renversement des pouvoirs, est advenue l’ère du féminisme dictatorial.
Dénonciation grinçante du militantisme féministe de l’époque non dépourvue d’humour,
aujourd’hui, avec l’extension du mouvement woke dans nos sociétés,
remonter ce virulent pamphlet, avant-dernière pièce d’Anouilh, relève d’une audace peu commune.
Séduisant projet qui pique notre curiosité.
Anouilh, loin d’être un auteur révolutionnaire, n’en reste pas moins un dramaturge, certes conventionnel, mais exerçant son art dans la maîtrise du «métier».
Amer, critique corrosif de son époque, il en stigmatise avec la même acidité les outrances et les conventions:
Dénonciation caricaturale des horreurs des procès politiques, ici au travers du déroulement de celui de Saint Pé mené exclusivement à charge, de l’arrivisme, tel celui de l’avocat castré volontairement par opportunisme carriériste, et encore de la manipulation avec les pressions exercées sur les témoins.
Au travers de toutes ces critiques, une tendresse se manifeste cependant, inattendue, lorsque après un plaidoyer vibrant de l’avocat défendant un client dont la puissance prédatrice est grandement exagérée compte tenu de la taille ridicule de son appendice, le «mâle» malfaisant, assumant sa liaison avec la bonne, la justifie au prétexte d’avoir enfin rencontré une personne «bonne», en somme «une bonne, bonne».
L’apologie du sexe «faible» se manifestera aussi avec le dénouement, qui débouche par la fuite de l’accusé organisée par la nouvelle... bonne.
Attitude qui demeurera équivoque ….
Emeline Bayart, metteur en scène et interprète d’Ada, Madame de Saint Pé,
n’est pas parvenue à nous convaincre.
Son ajout de chansons accompagnées d’un saxophoniste, d’une pianiste, et d’un violoniste, aussi comédiens,
sans rien apporter au texte, vient alourdir sans raison le rythme de l’action et ralentir l’échange de dialogues parfaitement efficaces.
Le décor à tournette, intérieur des Saint Pé et salle d’audience, avec ses ouvertures grillagées ou sa trappe à barreaux pour le procès n’est pas davantage réussi.
On cherche désespérément l’onirisme fellinien revendiqué dans la présentation du spectacle.
Dans la distribution plus qu’inégale, seuls se distinguent Christophe Canard, l’avocat, qui se livre à une irrésistible plaidoirie, Laurent Ménoret, redoutable et glaçante Présidente de la Cour, et Corinne Martin, désarmante petite fille qui tente de résister à toutes les pressions subies.
La soirée s‘annonçait légère et provocatrice.
Elle se révèle longue et indigeste.