C'est avec une nouvelle comédie qu'il répond méthodiquement à tous ses détracteurs et rejette leurs arguments: religieux dénonçant les atteintes aux moeurs, écrivains ratés critiquant le non-respect des règles du grand théâtre, prudes s'offusquant des outrages faits aux femmes :
"cette pièce tient la pudeur en alarme" dit Climène, la Précieuse,
jusqu'aux critiques infondée:
"je ne me suis jamais donné la peine de l'écouter" affirme le Marquis, un fat.
L'auteur, lui, personnifié par Dorante se justifie:
"c'est une étrange entreprise que de faire rire les honnêtes gens" et souhaite seulement:
"entrer comme il faut dans le ridicule des gens", soutenu par ses amies Marie et Elise, qui ne se laissent pas abuser par la "bien pensance" hypocrite ou la fatuité des sots bouffis.
Si Molière ne désarme pas, le ton de la pièce est encore délibérément comique, un concentré d'esprit et d'intelligence, une "dispute" entre personnes d'avis divergents, qui chacune argumente, les esprits bornés tournés en ridicule.
La légèreté cache le sérieux, la plaisanterie dissimule la gravité.
Qui nenni: ici le cérébral règne en maître sur la représentation.
Le manque de légèreté est cruel.
trop haletant, trop exalté, la révolte de Dorante, interprété par Loïc Corbery, est en contradiction avec la stratégie choisie par Molière pour convaincre et se justifier, en dépit de la profondeur de ses blessures cachées.
Uranie (Clotilde de Bayser), femme du monde lucide et clairvoyante, est trop intellectuelle, elle ennuie.
Et Climène (Elsa Lepoivre) est une précieuse qui ne fait pas même sourire, elle est vraiment ridicule.
Seule chez les femmes, Georgia Scalliet (Elise) joue admirablement tout en finesse, cette jeune personne qui cache la justesse de son jugement sous une feinte naïveté savamment déployée.
Heureusement aussi, Christian Hecq (Lysidas) à la force comique exceptionnelle, comme toujours, est un parfait écrivain aussi raté que bouffi.
Quant à Samuel Labarthe (le Marquis), on ne pouvait réver mieux dans ce rôle: il a toute la tranquille assurance et l'autorité sereine de l'imbécile satisfait de sa personne. C'est le fat idéal.
Voir évoluer tout ce beau monde dans un décor foutraque en diable surprend.
Difficile d'entendre le valet annonçant les visiteurs ou le souper servi entre une estrade en bois blanc flanquée d'une échelle de meunier d'un côté, de vilaines chaises et tabourets et un tapis roulé posé sur l'unique misérable canapé de l'autre.
Certes les salons ont disparu depuis longtemps.
Cependant l'outrance n'a jamais persuadé.