Dans « La Collection » , le thème banalement bourgeois, voire conventionnel du soupçon d’adultère assaille un mari désespérément en quête de « vérité ».
Tenaillé par son obsession, ses tentatives répétées viendront bousculer, voire renverser les situations de chacun des deux ménages impliqués : le sien, comme celui de deux hommes.
A force d’esquives et d’allusions, d’indices trompeurs et d’affirmations troublantes et contradictoires
Entre les protagonistes désireux d’élucider la situation,
Chacun finit de se perdre,
Et le mari par se « persuader » s’être fourvoyé.
Rien ne subsiste,
Dénouement idéalement pintérien.
Dans un décor monumental d’Antoine Vasseur envahissant le cadre empreint de nostalgie des Bouffes du Nord,
Eclairages « dramatisants »,
Pompeuses illustrations musicales à l’appui,
Ludovic Lagarde signe une mise en scène grandiloquente, au premier degré.
Seule interprète féminine de la pièce, Valérie Dashwood, porte un nom trompeur.
Grande femme bien campée à l’opulente chevelure, sur le plateau, affirmative et décidée,
Elle manque cruellement de sens de la suggestion et de mystère.
A l’extrême opposé,
Charme ineffable, diction singulière, évanescente, insaisissable
Entourée par Jean Rochefort et Michel Bouquet,
Delphine Seyring, créatrice du rôle en France,
Ne pouvait mieux incarner ce personnage.
On connait les qualités de Laurent Poitrenaux : dirigé réaliste, sans étrangeté aucune, il ne reste de son mari trompé que colère et agressivité sans filtre.
Mèche en bataille, lourdes lunettes rondes sur le nez,
Rare au théâtre, révélation de la soirée, Mathieu Amalric.
Il dégage avec mesure et subtilité toute la placidité, le détachement affiché de son personnage. Le seul qui soit « britannique », flegmatique, ambigu jusque dans les moments les plus tendus.
Etonnant.
On est heureux de retrouver Micha Lescot dans Pinter. Il dominait déjà une distribution aussi brillante dans « Le Retour » à l’Odéon, (Lulu de novembre 2012).
Manipulateur hors pair, il distille savamment charme malsain et vénéneux.
Personnage trouble, sans attirance féminine, il peut suggérer avec une perversité accomplie les gestes les plus « crus ».
Remis de son accident, l’élasticité de son corps revenue, extensible, rétractable, il se déplie, se replie, s’allonge, ondoyant comme un reptile, provocateur comme une gouape,
Lascif et veule, indolent et insolent,
D’un ton indifférent, lâchées du bout des lèvres, ses répliques font mouches.
Un spectacle dont la distribution a fait le succès.
Une mise en scène qui trahit l’auteur.
Un texte admirable qui résiste et fascine.