Je resterai définitivement hermétique à Claudel.
Ce n'est pas faute de bonne volonté, d'efforts répétés, commencés à l'adolescence avec " Le soulier de satin " aussitôt surnommé " La Godasse " tant je m'y étais ennuyée malgré Sami Frey et Geneviève Casile, jusqu'à dernièrement encore avec " Le Partage de Midi" à La Tempête.
Poussée par les dithyrambes de la presse, j'ai renouvelé la tentative.
Le résultat demeure inchangé.
La foi, l'amour, le sacrifice, le mysticisme claudélien ne parviennent ni à m'émouvoir, ni à "m'emporter ", moins encore à " m'élever".
Certes la première partie de la pièce est intéressante dans ce qu'elle nous livre d'autobiographique avec l'évocation à peine transposée de la vie de l'auteur et des conflits qui agitaient sa famille: haine et jalousie de la soeur, amour du Père pour Camille ( que Claudel , sans l'ombre d'un scrupule, laissera croupir à Mondevergues jusqu'à sa mort ) beauté de la campagne champenoise.
Quant à l'évocation d'un Moyen Age emprunt de mysticisme et de spiritualité, venant d'assister à " Cavalier Seul " la langue et l'esprit d'Audiberti me touchent infiniment plus, me paraissent à la fois plus humains, et pour tout dire, plus " authentiques".
La mise en scènes d'Yves Beaunesme constituait l'autre élément de ma curiosité.
Admirative de ses précédentes réalisations ( " Orphée aux Enfers " d'Offenbach à Aix en 2009 et " On ne badine pas avec l'amour " de Musset au Vieux Colombier en 2011 avec Julie-Marie Parmentier ) le metteur en scène s'est surpassé dans " L'Annonce ".
Quel talent pour découvrir diriger ses jeunes premières, après Julie Marie Parmentier dans Musset, c'est à Judith Chemla qu'il confie le rôle écrasant de Violaine. Vibrante, fragile, délicate et déchirante, mince comme une liane, souple comme un roseau, elle est éblouissante de finesse, investie de toute l'intensité de ce personnage lumineux et dévasté .
On est heureux de retrouver à ses cotés Jean-Claude Drouot, chef de famille autoritaire, colosse attendrissant , homme de son temps, mû par sa foi. Marine Sylf possède toute la rage, la dureté et l'âpreté de cette sœur jalouse. Fabienne Luchetti, femme simple mais lucide, épouse soumise et mère impuissante complète la distribution avec Damien Bigourdan, et Thomas Condemine.
C'est avec la partie musicale commandée à Camille Rocailleux, merveilleusement chantée par les comédiens et interprétée en direct par deux violoncellistes derrière un simple rideau de très fines perles sur lequel joue un merveilleux jeu de lumières de Joël Hourbeigt, sur une scène entièrement nue sous les ors passés des Bouffes de Nord avec au sol seulement un praticable sculpté d'arbres qu'Yves Beaunesne parvient à recréer un univers en profonde union, en parfaite osmose comme en fusion avec l'esprit et la lettre de l'auteur.
Visuellement admirable, interprété avec fougue , indéniable réussite de mise en scène, ce deuxième spectacle musical de la semaine, après " les Fiancés de Loches" et sans confusion des genres, demeure cependant fort éloigné de m'avoir procuré un plaisir comparable.
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