D'autres comme moi l'ont découvert d'abord dans le film de Claude Lanzmann (Shoa) et quelques années plus tard par le livre de Yannick Haenel.
Dans un cas comme dans l'autre je n'ai qu'un conseil amical à vous donner: abstenez vous.
Pourtant mon intérêt était double au départ.
Pour Jan Karski évidemment.
Ce résistant polonais qui après avoir pénétré en 1942 dans le ghetto de Varsovie et dans un camp de concentration grâce à deux résistants juifs, avait été chargé par ceux-ci d'alerter les alliés de l'extermination des juifs d'Europe et de transmettre leur appel à l'aide aussi pressant que désespéré.
Ce messager et témoin de l'indicible s'acquittera inlassablement de sa mission auprès des gouvernants, jusqu'au président Roosevelt lui-même.
Face à l'indifférence générale, à l'échec total de sa mission, il frôlera la démence par désespoir et impuissance, et s'enfermera dans quarante années de silence sur la question.
L'autre intérêt: Arthur Nauzyciel metteur en scène dont j'avais tant admiré le travail dans "Faim" de Knut Hamsun.
J'en avais dit tout le bien que j'en pensais, ici-même, dans ma chronique fin janvier.
Mais une durée de 2h40 de spectacle est un défi en soi.
Le début était pourtant très prometteur avec cette reconstitution fidèle en tout point de l'interview de Claude Lanzmann tirée de Shoa.
Entre l'impitoyable questionnement de Claude Lanzmann et l'irrépressible émotion du témoin qui s'effondre à plusieurs reprises avant de pouvoir poursuivre son récit, l'émotion est si forte que bien des spectateurs sont eux mêmes incapables de contenir la leur.
Nauzyciel acteur est admirable mais ce passage bouleversant prend vite fin.
Suit un deuxième tableau avec inlassablement projeté sur un écran géant le plan du Ghetto avec en voix off Marthe Keller qui reprend le même récit extrait du livre de Jan Karski.
Arrive le dernier tableau d'après le livre de Yannick Haenel.
Jan Karski est sur scène, seul, dans un beau décor de couloir d'opéra, avec lustres en cristal et fauteuils élégants.
C'est un mort-vivant qui nous livre les souffrances et les tortures de sa conscience de témoin.
Mais ici, le parti-pris de faire jouer Laurent Poitrenaux, grand et bel homme, genoux fléchis, épaules voutées, tête rentrée dans le coup, bras ballants, annônant son texte d'une voix monocorde et traînante, détachant chaque syllabe de chaque mot, rend ce récit poignant d'autant plus insupportable et soporifique qu'il se prolonge ainsi pendant plus d'une heure pour s'achever avec une curieuse danse mi acrobatique mi yoga exécutée par une jeune femme symbolisant à la fois son épouse et l'espoir.
L'intention affichée d'Arthur Nauzyciel était plus que louable, méritante: être aujourd'hui le témoin du témoin pour les générations futures.
L'entreprise est hélas un échec surprenant et regrettable.
L'ennui fait place à l'émotion.
Le désintérêt à l
Mais surtout pour découvrir ce personnage extraordinaire, ce Juste, précipitez vous chez votre libraire pour acquérir:
"Jan Karski" de Yannick Haenel paru en 2009 chez Gallimard.
Cet homme mérite toute votre attention.