L'inoubliable "Love Letters" admirablement servi par Anouk Aimé avec Bruno Kremer (à la création) puis Philippe Noiret (à la reprise) quelques années plus tard ......
Et le très ennuyeux "Quartet" de Heiner Müller avec Jeanne Moreau et Sami Frey.
"Inconnu à cette adresse" se situe entre les deux.
Ce n'est pas le texte de Kressmann Taylor que je critiquerai.
Son analyse profonde, très juste, souligne avec beaucoup de pertinence la montée du nazisme, son magnétisme sur toute une population humiliée par la défaite, ruinée par la crise économique. Ce magnétisme agit de même sur un individu que rien ne pouvait prédisposer à un tel égarement.
Dans le face à face des deux associés allemands, amis d'enfance installés en Amérique, Dominique Pinon (Martin Schulse) incarne avec un naturel inquiétant ce monstre en devenir qui se métamorphose inexorablement de retour au pays.
Il ira jusqu'à renier l'amitié de son associé juif et livrer la soeur de celui-ci, unique amour de sa vie, à la vindicte des SA.
Resté outre atlantique et dirigeant seul et avec efficacité leur galerie de San Francisco, Max Eisenstein découvre avec un désespoir grandissant et une incrédulité inébranlable la mutation de son ami qui suit et accompagne la violence de la politique antisémite des nazis.
Confronté à cette situation dramatique, sur le plan personnel et historique à la fois, Gérard Darmon que l'on sait être un comédien sensible, touchant, tout en retenu, se cantonne, sous la direction de Delphine de Malherbe, à une lecture morne et ânonnée de ses lettres aussi désespérées qu'angoissées.
Il faut attendre le dernier moment de cet échange pour qu'il laisse enfin percevoir l'intensité dramatique de la situation.
Quels regrets, le duo est bancale et le dénouement surprenant et machiavélique me laisse incrédule malgré l'effet produit sur un public conquis par le dernier rebondissement.