Mais pour cette «recréation» avec de nouveaux interprètes, (le spectacle a été monté pour la première fois voilà quarante ans) c’est un enthousiasme sans réserve qu’elle manifeste.
Éclairages recherchés, marmoréens, iridescents, sombres,
Sonnerie de téléphone obsédante ou musiques exquises,
Décor graphique réduit à quelques panneaux noirs et blancs, dépouillé à l’extrême mais non moins sophistiqué,
Rares meubles en plexiglas
Composent l’univers parfaitement wilsonien de cette «pièce» en noir et blanc.
Un premier solo d’homme, pour le noir,
Un second solo de femme pour le blanc.
Un texte identique,
Deux versions radicalement opposées.
Dans la première partie, un homme, Christopher Nell.
Cheveux jais gominés, lèvres carmin, cape et smoking en satin, il parle et se meut, tel un comédien du kabuki. Gestes appuyés, déplacements peu naturels, élocution artificielle, il fait entendre un récit en apparence décousu, succession d’évènements sans logique apparente, dialoguant avec une voix venant d’un téléphone noir posé en évidence à l’avant du plateau.
Une rencontre heureuse, un danger imminent, le bruit d’un coup de feu, des souvenirs évoqués devant les alignements de dossiers sur des rayonnages.
Déroutantes, improbables, banales, ces évocations et quelques récitatifs pour voix de castrat sèment le trouble, perdent le spectateur subjugué par cette sidérante performance aux ruptures radicales, aux lourds silences avant qu’au son exquis d’un clavecin , ne se fonde dans l’obscurité l’étrange créature.
Suit l’acte blanc.
Une autre résonance.
Comme l’histoire d’un grand amour brisé.
Marmoréenne, cheveux acajou tirés en chignon impeccable, visage cérusé, lèvres et ongles incarnat, sculpturale dans une longue robe ivoirine, apparaît dos au public, dans un fracas de tonnerre, la femme, Julie Shanahan.
Enjouée, elle reprend le même texte évoluant au gré de ses humeurs.
Séductrice, coquette, d’une grande élégance, elle se meut avec distinction et autorité, perd patience, se fait provocante, théâtrale, mondaine, affectée, désabusée, soudain pathétique, sanglotante, désespérée, revivant la fin d’une passion, et, d’afficher mépris, dédain, avant de triompher, impériale, coupe de champagne à la main, de terrifiantes épreuves.
Sophistiquée, Suprême, la comédienne n’en a pas moins chair, donne vie à l’histoire.
Le maniérisme atteint au sublime.
Il ensorcelle, nous mène à l’envoûtement, nous plonge dans l’onirisme.
Laissez-vous subjuguer.
Quelle beauté !