Pour débuter sa tirade fameuse entre toutes, "Etre ou n'être pas" (sublime traduction du poète Yves Bonnefoy), Hamlet a le nez collé au carrelage blanc au dessus des urinoirs.
En signe de reddition, surgissant des toilettes, il agite la balayette enrubannée de papier hygiénique, tel un drapeau blanc .
Ophélie distribue des kleenex ,puis de l'index, pointe son sexe avant d'écarter sa culotte pour mieux l'admirer, et s'en va expirer dans les cabinets après avoir bu l'eau du robinet en avalant des barbituriques.
Son Père, Polonius, est un gros balourd.
Claudius un ivrogne lubrique, se servant systématiquement à boire d'une main, pelotant de l'autre une Gertude gloussant de plaisir. Pendant dans l'entre-acte il nettoiera soigneusement les cuvettes des w.c. et pulvérisera force bombe désodorisante.
Quant aux comédiens, en visite au Château, tous sortent de La Grande Eugène, perruques et travestissements sans équivoque.
Unique étrangeté: Horatio (Alain Lenglet) incarne avec noblesse son personnage.
Même pas choqué! à vouloir jouer la provoc à outrance, on rate sa cible.
Mieux encore, me croirez-vous si je vous dis qu'en dépit de ces outrances grotesques, Denis Podalydès ( Hamlet) est étonnant, Hervé Pierre( Claudius) joue la vulgarité dans l'ignominie avec un brio qu'on lui connaissait et Gilles David (Polonius) fait dans le super lourd avec talent.
La peur du "conventionnel" conduit à une forme de convention.
Salle Richelieu, un pareil massacre fera date, quel bonheur ne l'avoir pas manqué, les occasions de rire et de bien rire, ne sont pas si nombreuses.
Je me devais de vous les faire partager.
Je n'irai pas jusqu'à remercier Dan Jemmet , ni féliciter Madame Mayette que ses audaces doivent ravir assurément.