« Ita L, née Goldfeld »,
« Doris Darling »,
« Constellation »,
Et tout récemment « La Musica deuxième » (sans parler de la reprise de « La Nostalgie des Blattes »)
Autant de spectacles salués au fil des années pour leur qualité, voire récompensés d’un Lulu d’Or, ici dans ces chroniques.
« Girls and Boys » marquera une rupture dans ce concert d’éloges.
Autour d’une table en fin de repas, choix délibéré de Mélanie Leray, metteur en scène, l’héroïne entourée de quatre convives, volontaires parmi les spectateurs, entame le récit de son histoire.
La rencontre de son mari à la fin sa « période baise et défonce… du sale et du dépravé », agrémenté de savoureux détails de partouzes sur « flaque de vomi »,
Suivie d’un début de vie conjugale passionnée auprès d’un compagnon qui réussit dans son commerce de meubles ancien
Dévorée d’ambition,
Encouragée par son époux, elle progresse dans son métier,
Et se consacre du mieux possible à ses deux jeunes enfants, une fille et un garçon.
Les antiquités passées mode ;
En dépit des mises en garde de sa femme,
Lui s’entête, et progressivement change de comportement, pour terminer ruiné, reclus, scotché devant des jeux vidéos.
A sa demande de divorce il affirme ne jamais accepter de perdre ses enfants.
Quelques mois plus tard, resté sans les voir depuis leur séparation,
Profitant d’une absence de son ex-femme, il leur rendra visite.
Armé d’un couteau de chasse, il tuera d’abord son fils endormi, le cadet,
Puis lardera de huit coups de couteaux sa fille alertée par sa présence.
Rien de l’abominable crime ne nous sera épargner, ni gestes, ni détails, mieux qu’au grand guignol.
Une consolation à cet atroce dénouement :
Restée seule, Optimus Pride, le petit chien offert à son fils, restera son plus grand réconfort :
« Quand il ne chie pas dans l’entrée », précise la mère éplorée.
Conclusion sans fard d’un récit pour le moins imagé :
La pire des tragédies,
Révélée au prisme d’une obscénité omniprésente dans le texte.
L’hyperréalisme de l’écriture,
Je cite encore un passage de l’arrivée à l’entretien d’embauche où la plaisanterie lancée n’atteint pas son but, ainsi évoquée :
« C’est comme si j’avais fait un gros pet et que je lui avais demandé de le sentir »,
dénué de toute « verdeur », sans une once de « truculence »,
Le texte se complait, se vautre, se délecte dans une crudité récurrente
Jusqu’à rendre « vulgaire », voire « obscène » l’essence même de la tragédie.
Constamment méprisant,
Haineux toujours,
Ce récit à la grossièreté omniprésente gomme toute émotion profonde.
Un fait divers sanguinolant au prisme de la presse de caniveau.
Cheveux plaqués, lèvres carminées, silhouette de mannequin embourgeoisée dans son impeccable chemise blanche glissée dans un pantalon cigarette gris,
Constance Dollé incarne l’héroïne bon ton au parler de poissarde.
Véhémente, agressive, lançant avec assurance, comme par défi ses comparaisons douteuses, ses invectives graveleuses émaillant le dérouler du drame,
Je cite encore :
« Allez vous faire foutre et dans le clito encore »
Loin de l’« être calciné » évoqué par certains,
De son interprétation appuyée toujours, démonstrative à l’excès,
Transpire le ressentiment haineux et sexiste contenu dans le texte :
« Le besoin pour lui de se sentir supérieur à moi »
« La société n’a pas été créée pour les hommes mais pour les contenir ».
Jugements définitifs, analyse sans appel.
Dennis Kelly, l’auteur , n’a pas l’honneur d’une présentation dans le programme,
Ainsi traduite, montée et jouée, sa pièce veut « choquer » pour « sensibiliser ».
Avec, pour Lulu accablée, un résultat opposé.
Cocktail de truismes rebattus assénées force outrances langagières gratuites,
Une soirée qui se prétend dérangeante,
Vulgaire, exaspérante, éminemment déplaisante.
Des transpositions de meurtres d’enfants,
Simon Stone, dans son « Médea », nous en a donné une magistrale et bouleversante version en juin 2017 à l’Odéon avec le Toneelgroep.
Voilà le spectacle d’où l’on sortait « calcinés ».