« J’ai porté ma légende comme une voilette »
Impossible de se définir avec davantage d’élégance, de coquetterie, de légèreté.
A la télévision, tête penchée, visage dissimulé derrière sa main ou par les volutes de fumée de sa cigarette, insaisissable, hésitante, cherchant ses mots avec une certaine difficulté et répondant souvent en bégayant légèrement, Sagan m’agaçait lors de ses interviews.
L’adaptation de ses entretiens qu’interprète Caroline Loeb,
révèle un tout autre personnage :
Françoise derrière Sagan, attachante, vulnérable, imprévisible, drôle bien souvent, avec ses éclairs de lucidité profonde, son refus obstiné de la moindre contrainte, de la plus infime obligation, fantasque aussi, désarmante de naturel.
Restée une éternelle enfant,
Mue toujours par l’unique satisfaction de ses désirs.
Réduit à deux éléments noir et or, un bar, qui servira aussi d’assise, et un tabouret, un cendrier au sol pour seul accessoire, le décor de Valérie Grall formidablement évocateur dans son économie, baigne dans des effets de lumières d’une rare subtilité signés d’Anne Coudret.
Dans sa chemise en panne de velours imprimé, collier or au cou et pantalon noir, sous sa courte perruque blonde à la coupe effilée, Caroline Loeb incarne avec une présence confondante son personnage.
Authenticité des intonations vocales, attitudes corporelles retrouvées, se déchaussant parfois, modulant ses phrases avec le détachement ou l’engagement de circonstance, elle recrée pour nous ce petit « monstre » fascinant qui souvent nous émeut, nous agace, nous impressionne.
Défilent ainsi les épisodes de sa vie, depuis l’école buissonnière suivie de la parution et du phénoménal succès de son premier livre écrit et édité à dix-huit ans, jusqu’à ses ultimes assertions sur le temps qui passe, le vieillissement, la mort.
Sa passion de la vitesse du jeu, son penchant pour la boisson :
« Seuls les excès me reposent » affirme-t-elle,
« Je me suis vraiment amusée au jeu de la vie »
L’écriture :
« La valeur que j’essaie de respecter, c’est la littérature »
Sa soif de liberté jamais démentie, sa conclusion désabusée :
« Incapable de me forcer à quelque chose qui m’ennuie, ce qui ne veut pas dire que je suis nécessairement heureuse »
Ses désarrois, ses souffrances
« Mon problème principal c’est la solitude
« J’envie les gens surs d’eux, je ne suis jamais sure de moi »
« Je ne commence à écrire un livre qu’au bout du désespoir »
Quelques phrases qui donnent déjà à entendre toute la complexité de cet être.
Sous la direction d’Alex Lutz, Caroline Loeb sait nous fait revivre ses contradictions, ses faiblesses, son humour, son inguérissable mal-être auquel la célébrité aussi précoce que « mondialisée »n’a pu apporter aucun soulagement et ni épargné une triste fin.
Après la série de déceptions du début de saison, « Françoise par Sagan » s’inscrit dans la suite des heureuses révélations de ces dernières semaines.
Sagan par Loeb : Monologue émouvant, surprenant, passionnant ;
Vous ne pouvez être déçus.
Un spectacle à ne pas manquer.