Cet opus révèle aussi la capacité d’un auteur, Didier Caron, à captiver son public.
Une intrigue bien construite autour de la négation d’un passé immonde.
A Genève, la veille d’être nommé à Berlin, Hans Peter Miller, Tom Novembre, chef d’orchestre célèbre et autoritaire reçoit dans sa loge après un concert la visite d’un admirateur belge, Monsieur Dinkel, Christophe Malavoy.
Vite exaspéré par son comportement insistant et ses demandes parfois surprenantes, en dépit de vaines tentatives pour se débarrasser de l’opportun, Miller enfermé dans sa loge se verra contraint de subir la présence du visiteur, de satisfaire à ses curieuses exigences, de répondre à ses questions qui se feront de plus en plus précises, dérangeantes, insupportables.
De cette rencontre déconcertante un passé enfoui, secret, caché, nié refera surface.
D’une intrigue qui comporte tous les pièges du manichéisme grossier, de l’affrontement du bien contre le mal, du justicier face au bourreau,
L’auteur a su créer une pièce dans laquelle les sentiments évoluent sans jamais tomber dans la caricature, les pires situations décrites avec pudeur, le développement dramatique tenu de bout en bout, sans tomber dans les effets faciles tout en ménageant de surprenants coups de théâtre que je ne dévoilerai pas.
Victime persévérante, pour l’aboutissement de ses quarante années de recherche, Christophe Malavoy que l’on est heureux de retrouver depuis « Big Apple » dans le personnage de Dinkel, joue avec une rare délicatesse et tout en nuances subtiles cette partition difficile.
Sans larmoiements ni faiblesse, posément, méthodiquement, cruellement, il saura confondre son interlocuteur.
Une détermination qui mettra son âme à nu.
Au final un détachement qu’il saura rendre bouleversant.
Admiré sincèrement dans « Les Poissons ne meurent pas d’apnée » on aurait souhaité retrouver dans la rigidité du personnage de Miller un Tom Novembre manifestant avec plus de morgue hauteur, mépris, assurance, autorité. En marcel et pantalon de smoking, pitoyable enfin, il se montre convaincant.
Pas de meilleur décor pour ce spectacle que de dévoiler le plateau du ravissant théâtre Michel avec un seul encadrement de porte mobile et un bureau-table pour suggérer la loge. Félicitons Marius Strasser de cette jolie idée.
L’auteur et Christophe Luthringer cosignent une mise en scène sans monotonie et dirigent leurs interprètes avec la justesse requise, laissant juste sourdre des émotions perçues avec d’autant plus de force.
Pas toujours tendre ces derniers temps,
Quand le théâtre, sans être révolutionnaire,
Tient ses spectateurs de bout en bout,
Transmet de vraies émotions,
Lulu apprécie pleinement la soirée.
Un des rares spectacles à ne pas manquer en cette rentrée sans éclat.