"Eurydice" est rarement montée. Je découvre l'œuvre.
La pièce, transposition du mythe qui a inspiré aussi Cocteau avant Anouilh, offre deux aspects bien distincts.
Tout ce qui touche aux réflexions métaphysique, à l'analyse de la mort, au sens de la vie, ne passe pas, pas davantage que ne passent aujourd'hui, à mes yeux, les pièces "historiques" de l'écrivain comme "L'Alouette" encore récemment montée avec Sarah Giraudeau pourtant merveilleuse dans le rôle de Jeanne d'Arc.
Dès que le regard de cet auteur prolifique se pose sur un monde qu'il connait comme personne, celui du théâtre, il nous en brosse un portrait où la tendresse rivalise avec l'ironie, la bienveillance avec la satire.
Voilà son registre d'excellence.
Comme dans "Colombe", "Eurydice" nous fait pénétrer dans ce monde fait de fatuités, de faux-semblants, qui connait ses grandeurs, et recèle ses bassesses.
Répliques en or pour les comédiens.
Bonheur assuré des spectateurs:
Irrésistibles portraits d' incorrigibles cabotins avec les personnages de la tragédienne vieillissante , Mère d' Eurydice (Catherine Griffoni) et de son amant guère plus fringuant( Jean-Pierre Leroux) échoués sur ce quai de gare avec leur tournée minable dans les endroits de province les plus reculés. Et encore ce musicien sans engagements, qui ne cesse de vanter les délices et agapes de restaurants tout- compris à son malheureux fils Orphée , jeune violoniste contraint de jouer aux terrasses de café pour aider ce veuf qui ne lui laisse aucune liberté. Jean Laurent Cochet, qui co-signe la mise en scène, en est l'admirable interprète: diction tout en nuances d'une infinie subtilité, présence d'une rare intensité sur le plateau. Sam Richez , en Orphée, un ancien élève du cours, complète bien le reste de la distribution entouré de ses camarades aussi formés par cet excellent maître visiblement heureux de partager la scène en leur compagnie.
Cette soirée au Théâtre 14 nous réserve de jolis moments.
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