« Ensemble » aborde un sujet particulièrement délicat : la « normalité ».
Dans un petit logement perché au septième étage sans ascenseur, vivant difficilement d’une maigre retraite depuis des années, Isabella assume seule tous les problèmes matériels et affectifs provoqués par les troubles de son grand fils Miquélé dont elle ne s’est jamais séparée.
Dans leurs rapports fusionnels, elle apparait aussi attentive que tolérante envers ses « maladresses », ses réactions imprévisibles, souvent difficiles à canaliser. Surprotégé, comme un tout petit, il accapare tous les soins de sa maman.
En dépit des apparences, surprenant, Miquélé sait à l’occasion se montrer taquin, se révéler touchant d’affection pour sa mère.
L’irruption de Sandra, sa soeur, découvrira aussitôt la profonde fracture qui la sépare d’eux.
La présence à la maison de ce frère « inadapté » l’a conduite à disparaitre sans plus donner de ses nouvelles dix ans plus tôt.
Diplômée, elle a réussi professionnellement. Aujourd’hui elle est revenue pour annoncer son prochain mariage auquel seule sa mère sera autorisée d’assister.
Pour elle, le placement dans un établissement spécialisé s’impose : la vraie solution pour le malade et le soulagement aux soucis et fatigues de sa mère.
Violente, la rupture éclatera entre elles.
Sandra ayant opté pour le déni dans sa vie sentimentale et professionnelle,
Un rebondissement cruel fera craindre le pire.
Cette apparente inhumanité ne cache cependant qu’une autre détresse : l’absence d’amour maternel qu’elle ne peut pardonner à cette mère entièrement vouée à son frère dont elle ignore les véritables causes du « handicap ».
Une fois révélées, il restera à Sandra d’accomplir le plus difficile.
A vous de découvrir un dénouement qui émeut la salle tout entière.
Fabio Marra signe un nouveau spectacle empreint de sensibilité.
Animé de sentiments généreux d’une indéniable sincérité, il se révèle cette fois encore un formidable interprète de son personnage, maladroit, difficile, imprévisible. Un innocent, vulnérable mais aussi soucieux de bien faire, attardé mais affectueux.
Malgré toutes les difficultés du quotidien, Catherine Arditi incarne cette « Mère Courage » avec autorité et détermination. Elle « couve » cet enfant sans jamais l’étouffer, le bouscule si nécessaire, lui ment pour la bonne cause. Abrupte souvent, énergique toujours malgré des moments de découragement.
Dans le rôle de Sandra on retrouve Sonia Palau déjà partenaire de l’auteur dans « Teresina ».
Véhémente, déterminée, elle s’impose avec la force des personnes « arrivées par elles-mêmes ». Caractère endurci, en elle rien ne suscite la sympathie.
Enfin, Floriane Vincent réussit parfaitement dans son rôle de candidate à l’embauche et animatrice de centre pour handicapés. Délicieusement naïve, prodigieusement agaçante, elle joue les « gentilles » dénuées d’arrières pensées avec un naturel désarmant.
Pas l’ombre d’une fausse note dans les décors de Claude Pierson : parfaite, la petite pièce qui fait office de cuisine, avec son vieil évier, et de salle à manger avec ses quatre pauvres chaises de paille, ses murs couleur grisaille. Bien trouvés aussi les costumes de Céline Curutchet, sans style et de couleurs indéfinissables pour Isabella, d’un vilain jaune pour le pull de Miquélé, coquets pour les autres protagonistes féminines.
L’atmosphère est ainsi parfaitement recréée.
D’une indéniable justesse, d’une sincérité incontestable,
Le rire participe aussi du spectacle,
Une célébration du sacrifice, de l’acceptation de la différence ;
Jouant sur la corde sensible,
La bonté y triomphe des antagonismes.
Pour beaucoup, rassurant,
Pour lulu pas tout à fait convaincant.