Auteur de grand talent se situant dans la lignée d’un David Mamet , « Enorme » illustre à nouveau, « l’étincelante cruauté » de la génération de trentenaires décrite par le dramaturge.
Ici pas d’infanticide, ni de crime homophobe.
Simplement le carcan de canons » esthétiques », le poids écrasant du regard de l’entourage, la barrière infranchissable( ?) que constitue une « corpulence toute en rondeurs ».
Rencontrée par hasard lors d’une pause déjeuner, Thomas tombe vite sous le charme d’Hélène, jeune femme que son surpoids, n’a pas pour autant privée d’humour, d’intelligence, de finesse et d’un joli minois.
Premier surpris par des sentiments jusque-là inconnus, ce jeune et brillant trentenaire va très vite en ressentir l’effroyable « encombrement ».
Moqué, espionné, provoqué, et ridiculisé dans toute la société par son ami Quentin,
Poursuivi, harcelé, assiégé par Julie, son ex, ravissante personne enragée de se voir délaissée pour un « boudin enceinte de jumeaux ».
Etude sans merci de nos accommodements, dérobades et lâchetés,
De la tyrannie exercée à nos dépens par de pseudos canons esthétiques,
Du rejet de l’autre et du possible renoncement au bonheur par souci de confort et l’acceptation d’un certain conformisme,
Sont toutes les questions auxquelles l’amour de Thomas et Hélène manque de se fracasser.
Décrits avec une férocité sans concession,
Dans une traduction de l’américain formidablement moderne,
Un vocabulaire d’une crudité sans fard,
Un habile décor réduit à l’essentiel,
Une mise en scène menée tambour battant,
Sous le feu nourri de la méchanceté,
Les dialogues qui crépitent comme des tirs de mitraillette,
Les traits sifflent sur nos têtes.
Surdoués, brillantissimes, naturels, véridiques, engagés, quatre jeunes comédiens assument chacun leur personnage dans une distribution impeccable.
Sous son embonpoint Charlotte Gaccio dégage une douceur, un humour, une sincérité très touchante.
Thomas, Bertrand Usclat est ce joli garçon, au charmant sourire. Pas très courageux, on en viendrait à pardonner ses dérobades, ses esquives face à tant de violences verbales.
Julie, la « ravissante » fait montre de tout la fausse assurance de cette jeune femme délaissée, accablant de ses scènes à répétitions le compagnon qu’elle s’obstine à reconquérir sans succès.
Enfin Thomas Lempire incarne Quentin. Sous ses airs faussement sympathiques et désabusés, il nous dévoile toute l’acidité d’un cynisme sans borne, destructeur, ravageant.
Quatre personnages plus vrais que nature.
Décapante et corrosive,
Une pièce au vitriol
A l’humour dévastateur.