bien rares ont été les occasions d’enthousiasmer Lulu.
Aux déceptions et lassitudes successives, «Enfance» vient d’apporter le plus définitif démenti, et a suscité un véritable retour au bonheur théâtral.
Nathalie Sarraute est âgée de quatre-vingt deux ans lorsqu’elle écrit ses souvenirs.
Ils se présentent sous la forme de dialogues avec elle-même:
«Est-ce que tu prends ta retraite?» s’interroge-t-elle dès le début, surprise de cet impérieux besoin.
«Tu veux évoquer tes souvenirs?» insiste-elle encore.
Et de s’avouer à elle-même:
«Oui je n’y peux rien, ça me tente je ne sais pas pourquoi».
Remarquables dans ce jeu d’évocations-interrogations, deux comédiennes se répondent.
L’une, Anne Plumet, sera la petite fille, l’autre, Marie-Madeleine Burget, sera tour à tour sa «conscience» , ou «l’adulte» aux cotés de l’enfant.
Joli symbole de l’imbrication des sentiments, le même motif kaléidoscopique les habille: une robe pour «l’adulte» une tunique( un sarrau?) pour la petite.
Seuls les effets de lumière de Christophe Grelié rythment ces évocations, modulent les atmosphères.
Avec deux chaises la mise en scène dépouillée de Tristan Le Doze ne repose que sur le « jeu de placements » des interprètes et des «accessoires».
Magistrale démonstration de justesse et d’intelligence en totale osmose avec ses comédiennes.
Constats authentiques, ils nous font suivre le cheminement d’une enfance déchirée, entrecoupée parfois de moments de bonheurs rayonnants ou relatant d’ hilarantes réflexions incongrues de l’enfant.
Ces « Instantanés » nous révèlent les sentiments d’extrême solitude de Natacha-Nathalie parfois mise au « rebut». Bouleversant.
Sans trace d’amertume ou de rancœur envers ses parents ses souvenirs verront éclore l’attirance de la petite fille fille, soudain passionnée par «Rocambole», roman d’aventures ô combien méprisable aux yeux de ses parents.
Dans sa présentation, Tristan Le Doze souligne l’importance du mot écrit comme «révélateur» et celui du théâtre « libérateur de cette parole écrite».
Excluant toute afféterie, toute emphase, toute trahison,
Tristan Le Doze, se révèle un grand metteur en scène au service d’un grand texte,
Ses comédiennes, Anne plumet et Marie-Madeleine Plumet à l’unisson,
font triompher la perfection théâtrale
Précipitez-vous,
Un moment de profondes émotions, d’éclats de rire, de larmes refoulées.
Admirable.