Le thème pourrait faire frémir d’horreur, pleurer dans les chaumières, ou prêter à sourire avec compassion.
Tom Kempinski, l’auteur anglais nous épargne ces situations.
Certes pathétique et touchante, cette histoire en partie autobiographique, Sous sa plume talentueuse, devient un récit plein l’humour écrit avec alacrité.
Vivant reclus dans un appartement londonien, dans l’incapacité de rédiger une ligne, Joe reçoit un appel de New-York : Sarah au bout du fil, handicapée mais animée par sa passion du théâtre, voudrait les droits de sa pièce pour la monter « off-off Broadway ».
A partir de l’accord obtenu, s’amorcent entre les deux personnages des échanges réguliers.
D’abord animés par leur collaboration théâtrale, leurs conversations évolueront doucement vers des rapports de plus en plus personnels, intimes ;
Sarah se découvrira vite très éprise de Joe, et ne s’en cachera pas.
Pour Joe, il faudra jusqu’à une rupture avant qu’il ne consente à s’avouer, assumer et partager son amour.
Une fois encore Ladislas Chollat réussit une mise en scène en parfaite intelligence avec le texte.
Découpage précis, rythme à l’unisson, ces va et vient de chaque côtés de l’Atlantique sont joliment illustrés par des vidéos projetées sur les murs qui modifient le décor : la chambre de Sarah, le bureau de Joe se suffisent d’un divan pour elle, d’un obscur bureau pour lui.
Trop rare au théâtre Thierry Godard ne joue que des textes exigeants : Dubillard, Duras et Strinberg.
En Joe, enlaidi à plaisir, ventripotent, négligé, crasseux, bonnet enfoncé sur des cheveux non coupés depuis des mois, s’appuyant sur une canne pour cause de surpoids, grognon et bourru, déplaisant, il a tout de l’ours mal léché, de l’ égoïste détestable, en proie cependant à de violentes crises d’angoisse.
Il campe ce personnage « repoussant » qui sait aussi faire rire et émouvoir, se métamorphosant progressivement sous nos yeux pour redevenir, par la grâce d’une handicapée, un bel homme à nouveau capable d’écrire.
Déjà dirigée par Ladislas Chollat («Les cartes du pouvoir » la saison dernière) Elodie Navarre en Sarah, est remarquable de légèreté, de spontanéité, d’autodérision, de courage et de détermination.
Fraiche, minois ravissant, malgré une patte folle qui la fait souffrir depuis longtemps, elle déborde de vie, de charme, et d’une lucidité sans faille acquise à travers la maladie.
Ainsi interprétée et mise en scène, la pièce ne pouvait mieux être servie, les personnages plus authentiques, l’intrigue plus attachante.
Quand bien même nous partageons le bonheur retrouvé par ces deux êtres souffrants,
Edulcoré par un dénouement traité en bleuette sentimentale,
La fin vient affadir la teneur du propos
Laissant comme une impression de complaisance jusque- là évitée.