Répondant à une « commande » du Théâtre Antoine
Edouard Baer vient de nous concocter en moins d’un mois,
Un nouveau spectacle dans la droite lignée du « Grand Mezze » vu au Rond-Point en 2002.
L’idée de départ est séduisante : Un décor de bar avec son comptoir éclairé et ses tables est installé sur le plateau.
Lieu idéal pour confidences.
Comme poursuivi par un danger mortel,
Notre homme en fuite y trouve refuge accueilli par le régisseur, Christophe Meynet, fortuitement son interlocuteur.
Cause de cette peur incontrôlable, de cette panique absolue :
Le refus, l’impossibilité, l’incapacité totale de jouer le rôle destiné à notre comédien.
Éloge de la lâcheté, plaidoirie de la couardise, défense de la dérobade et démonstration de la mauvaise foi,
L’idée ne manque ni de cocasserie, ni de séduction.
Excellant dans l’art d’un dilettantisme consommé, Edouard Baer se distingue dans l’exercice de l’approximation, racoleur de charme, adroit manipulateur, imitateur doué.
Ponctués par quelques bons mots, entrelardé de monologues parfois comiques tel l’échange téléphonique avec sa femme,
Ces « diversions » ne sont qu’un prétexte à une série d’évocations littéraires d’un panthéon personnel ;
« Les Passantes » sur la musique de Brassens précèdent ici, dénué de tout lyrisme tragique, le discours de Malraux lors de l’entrée au Panthéon des cendres de Jean Moulin,
La rédaction artificiellement fébrile de Bukovski tapant sur sa machine à écrire, Une très « mauvaise » lecture d’un passage des « Arbres à abattre » de Thomas Bernhardt,
Composent, passant du coq à l’âne, un curieux inventaire à la Prévert.
Citations d’auteurs certes honorables.
Leur manque absolu d’authentique couleur, exception faite de Romain Gary,
Leur ôte tout intérêt,
Sans davantage concerner toute une partie du public apparemment indifférent aux affres de ces créateurs.
La soirée s’étire, s’allonge, les approximations s’accumulent, les lourdeurs pèsent toujours plus, la prétention sourd, le narcissisme s’étale, l’émotion et la dérision se noient, perdues.
On attendait de « l’esprit », de la séduction, du rire,
On ressort chagrin, grognon, irrité, attristé,
Habité d’un désolant sentiment de vacuité.