Edward Bond, avec "Les Gens", vus deux jours plus tôt, prend le parti de la noirceur absolue.
Thomas Bernhard, avec ces ultimes nouvelles dont est tiré le spectacle, choisit le rire dans la férocité .
A mes yeux le moyen le plus efficace .
Avec pour interprètes Judith Magre accompagnée de Catherine Salviat, l'effet assuré.
Dans les deux premiers " dramuscules", coiffées de toques parfaitement démodées, vison pour l'une, houppette de cygne pour l'autre, petites vestes "chanel" trop longues et sages jupes droites, ces dames bien sous tout rapport, leur missel à la main, vont tenir avec une bonne foi, une assurance , une tranquillité d'esprit inébranlable, des propos parfaitement odieux, dans lesquels le racisme le dispute à la xénophobie. Je ne vous en dirai pas davantage, elles sont irrésistibles.
Au troisième, Judith Magre, déshabillé de nylon jaune moutarde à grosses fleurs, devant sa planche à repasser, invective un mari invisible, fasciné par un match foot à la télé et totalement indifférent.
Exaspérée , débordant d'amertume, elle finira par exploser, sans fard, de nostalgie nazie.
Voilà bien des textes comme on les aime: directs, percutants.Un Thomas Bernhard resséré, maitrisé, sans perdre pour autant une once de sa force.
Alors pourquoi cet interlude vient -t-il s'intercaler dans le spectacle ?
Comme au "Jeu des Mille francs", Catherine Salviat demande au public, pour gagner des places au théâtre, de découvrir les auteurs, tous célèbres, de citations empruntes du racisme le plus caricatural. Sa feinte candeur, toute sa bonne grâce n'empêchent pas une rupture injustifiable dans ce spectacle, un coté pédagogique superflu.
Un quatrième" dramuscule " eût été mille fois préférable pour "prolonger" la soirée.
Mon admiration sincère envers l'auteur comme pour ses interprètes justifient à elle seule cette sévérité.