Vous êtres chez Doris Wallis (Simpson aussi sans doute)rédactrice redoutée et redoutables des tabloïds les plus infâmes. Doris Wallis ne connaît aucune faiblesse, ses assassinats plumitifs ne reculent devant aucune outrance stylistique.
Aujourd’hui elle se choisit, difficilement une tenue « correcte » pour se rendre au tribunal où l’a assigné une de ses victimes, grande comédienne à la carrière brisée par ses soins.
Doris, qui ne s’émeut pas pour si peu, est aussi assiégée par un confrère allemand qui la presse de signer avec lui un mirobolant contrat pour le nouveau journal people qu’il crée outre Rhin.
Concurrence et rivalités sans merci de la presse de caniveau, pratique de la surenchère sans limite dans la calomnie et le voyeurisme, recherche permanente de formules de télé réalité pour les médias, nos deux compères animés par la même ambition effrénée, sont aussi effroyables et dépourvus de tout scrupule l’un et l’autre.
Mais Doris, en femme de tête, ne décide rien, sans avis autorisé : sa secrétaire (jeune femme frustrée et éblouie que sa patronne domine et tyrannise allègrement ) et son comptable (vieux garçon myope comme une taupe, tatillon comme une vieille fille) forment le duo des conseilleurs.
Le gigolo de service (image de marque oblige) vient compléter ce bel ensemble.
Vous voilà prêt à recevoir les cascades de vitriol, les tombereaux d’horreur, les flèches empoisonnées, les traits assassins de cette comédie anglaise signée Ben Elton, dont la plume acérée dénonce avec férocité tous les faux semblants de notre époque.
D’une drôlerie et d’une violence incroyable, les journalistes visés semblent rédiger des épisodes de « Bambi à la plage » (je cite) en comparaison des dialogues de Ben Elton excessivement bien adaptés en français.
C’est si britannique que le dénouement, avec coup de théâtre et revirement total de la situation, ne passe pas comme il doit sans doute passer outre-Manche. Mais peu importe.
Le spectacle mené avec un brio incontestable par Marianne Sergent, plus « Doris » que « Doris » dans ses costumes extravagants de Blandine Vincent et son compère (François Siener) est une réussite.
Les décors de Gilles Pouyard (panneau du fond avec escalier monumental prétexte à entrées triomphales ou dégringolades burlesques, panneau côté avec bureau blanc immaculé, cachette à Coke et bar stylisé) les projections du groupe Razmar, sont autant d’éléments parfaitement orchestrés par Mariane Groves, la metteur en scène et adaptatrice.
Vous l’aurez compris la soirée est hilarante
La rosserie portée à ce degré de perfection devient un art à part entière.
L’auteur mérite tout notre enthousiasme.
C’est chose faite chez Sa Gracieuse Majesté.
Amis parisiens votre tour est venu.
Précipitez-vous au Petit St Martin : la grisaille ambiante se dissipe dans l’instant.