Ce bonheur nous le devons à Carole Bouquet et Gérard Desarthe, son partenaire et le metteur en scène du spectacle. Ils forment le couple de " Dispersion".
Elle, Rebecca, enfermée dans de curieux souvenirs, de sombres obsessions, visiblement hantée par d'étranges et troublantes pensées, fait face à Devlin, son mari qui la questionne sans relâche à la recherche d'une introuvable explication logique à ses confidences.
Au cours de ces échanges entre les époux s'installe progressivement un lourd climat créé par les bribes d'aveux exprimés par le personnage féminin.
Elle évoque un ancien amant: c'est la tentative de strangulation dont elle a été l'objet qu'elle nous narre. Il travaillait dans une agence de voyage : c'est les rangées de femmes auxquelles on arrache leur bébés qu'elle décrit.
Il s'acharnera en vain à trouver " un sens" à ce comportement qu'il refuse d'accepter. Son flegme tout britannique, comme son humour, n'y feront rien.
Impénétrable mystère de l'âme, insondables mystères de l'être. Enigmes sans réponses.
Belle, sobre et élégante dans son ensemble " home-wear" décontracté et chic, Carole Bouquet, égarée dans ses souvenirs, comme absente au présent, en dépit d'un trac affreux en ce soir de première, a superbement relevé le défi de ce rôle infernal. Avec une raideur voulue, presque toujours assise sur un des canapés du salon, froissant nerveusement un châle replié sur ses genoux, la comédienne semble tour à tour, roide, hermétique et accablée.
Avec une présence d'une rare intensité, Gérard Desarthe, affichant un calme qui n'est qu'apparence, se verse force whisky, agite son verre et se lève parfois afin de mieux la cerner
Très brefs, entrecoupés de noirs qui découpent au scalpel les échanges , les éclairages de Remi Claude qui baignent en douceur pour virer au brunâtre le beau décor de Delphine Brouard, confèrent leur touche de perfection à la complexité de cette intrigue toute " pinterienne" .
Absente depuis longtemps de la scène, Carole Bouquet a choisi à raison de revenir au Théâtre en renouant avec Pinter.
Gérard Desarthe, à la longue et brillante carrière théâtrale, signe une superbe mise en scène et il incarne avec un talent consommé toutes les inquiétantes facettes de Devlin. Il est le partenaire idéal.
Ne manquez sous aucun prétexte le meilleur spectacle de ce début de saison que l'on doit à Frédéric Frank.
Attention: les représentations ne durent que jusqu'au 19 octobre.
Sans attendre, réservez à l'Œuvre.